[8 septembre 1871] Les âmes sœurs (suite)

Matiana avait demandé à monsieur Genévrier de la rejoindre à 11 heures, car elle avait besoin d'un petit peu de temps. Tout d'abord, elle ne prit avec elle qu'un jeu de cartes classique, sa bourse comprenant une pièce d'un franc, et un pendule. Elle avait rarement eu l'occasion de se servir de ce dernier, mais elle savait que combiné à des cartes et ses visions, elle pourrait obtenir des résultats probants.
Elle prit la direction des quais de Seine à pieds (c'était l'autre raison pour laquelle elle ne pouvait pas venir avant 11h). Ses chaussures claquaient sur les pavés, faisant écho aux innombrables breloques qui pendaient à son cou. Elle croisa plusieurs personnes de sa connaissance, mais qui ne lui adressèrent qu'un bref salut : ils savaient très bien tant qu'elle n'était pas assise quelque part, elle n'officiait pas.

Elle arriva enfin aux quais et longea la Seine jusqu'aux embarcadères. Là, elle vit son visiteur de la veille, toujours autant emmitouflé dans son manteau et son écharpe.

- Bonjour, monsieur Genévrier. j'espère que vous ne m'attendez pas depuis trop longtemps...

Avec tous les accessoires qu'elle portait, Vincent avait attendu la voyante arriver à cent mètres. Elle avait même réussi à le sortir de ses songes, ce qui était pourtant loin d'être gagné. Pourtant, cet accoutrement faisait le charme des tziganes. Ce peuple arborait des vêtements plus colorés, plus vivants que la mode parisienne que Vincent trouvait totalement morne. Un instant, il songea à demander des conseils vestimentaires à Matiana, mais, comme d'habitude, se ravisa au bon moment. Les clients ne seraient pas prêts à un tel look de la part d'un homme à tout faire... et malheureusement, il n'avait aucun don de voyance.

- Ne vous en faites pas, vous êtes à l'heure. C'est juste moi qui étais en avance. Et appelez-moi Vincent !

Puis, son petit seau accroché à son bras, il prit le chemin des quais :

- On y va, "partenaire" ?

- On y va, sourit Mattie.

Elle sortit de sa bourse son pendule. Il s'agissait d'un morceau de cristal, un vrai morceau de cristal - c'était d'ailleurs l'objet le plus précieux qu'elle possédait - fixé à une chaîne en or. Elle se souvenait très bien de la description de "l'âme-soeur" d'Isabelle Later et n'avait plus qu'à se concentrer là-dessus. Le pendule ferait le reste. Devant l'air intrigué de Vincent, elle sourit :

- Oui, il s'agit bien d'un pendule. Il appartenait à ma mère, elle s'en est beaucoup servi. Moi, je voyais ça comme de l'arnaque, des sornettes, des contes de grand-mère ; je ne m'en suis jamais servi. Lorsque les Particules sont apparues, j'ai revu toutes mes méthodes de divination, et j'ai essayé tout ce qui était à ma portée - y compris ça. Et ça fonctionnait ! Allez savoir ce que les Particules ont à voir là-dedans ! Peut-être qu'elles entrent dans un genre de résonance avec le cristal, quelque chose comme ça.

Tout en parlant, ils longeaient les quais. Le pendule balançait doucement - trop doucement justement.

- Mh, ça ne va pas. Le pendule ne montre rien d'encourageant. Et si nous posions la question à des dockers, tout simplement ?

- Très bien !

Les dons de Matiana s'étaient avérées inutiles pour le moment. Mais Vincent ne le lui reprocha pas. La voyance était un art extrêmement capricieux. Toutes les réponses de l'univers ne se révélaient pas si facilement. Pour quelles raisons ? Garder la surprise ? La réponse semblait peu profonde, mais, après tout, s'il existait une entité supérieure gouvernant le monde, peut-être souhaitait-elle préserver une part d'imprévisibilité. Sans quoi, les choses seraient peut-être moins "drôles".
Les partenaires-pour-un-jour eurent donc recours à la méthode classique de l'interrogatoire. Ils allèrent voir différents dockers et leur décrivirent le mystérieux amoureux en insistant sur les éléments distinctifs : brun, la barbe finement taillée, sans oublier le tatouage en forme de requin sur l'épaule gauche. Les marins n'eurent aucun problème à leur répondre. Il faut dire qu'avec son gabarit, Vincent n'avait pas la stature d'un policier. Les interrogés avaient même tendance à l'apostropher d'un "gamin", quand bien même il était en réalité plus âgé que la plupart d'entre eux. Et si cela ne suffisait pas, la présence de la tzigane contribuait à le faire passer pour un simple civil. Toutefois, malgré leur coopération, il fallut un moment avant que Matiana et Vincent ne rencontrent quelqu'un ayant entendu parler de leur fameux "beau brun ténébreux musclé". Le marin avait été toutefois un peu plus curieux que ses collègues. Vincent avait alors réfléchi en vitesse à un mensonge, mais Matiana l'avait devancée et s'était contentée d'expliquer la vérité. Contrairement aux apparences, le bougre était très porté sur l'amour et les histoires de destinées. Il n'en avait pas fallu plus pour qu'il ne leur révèle tout.

- Vu la description, je penserai peut-être à Richard Legoff. Mais non, y a un truc qui va pas...
- Comment ça ?
- Le requin à l'épaule gauche, les cheveux noirs, ça, c'est lui... Ceci dit, une barbe finement taillée, ce n'est pas son genre. C'est même le plus négligé des membres de notre équipage et, pourtant, on est pas beau à voir quand on part longtemps en mer !

Du coup, était-ce vraiment lui ? Après tout, un requin sur l'épaule gauche et une couleur de cheveux n'étaient pas distinctifs que ça pour un docker. Parmi ceux qu'ils avaient interrogés, nombreux étaient tatoués. Heureusement, le marin rajouta :

- Oh mais je suis bête ! C'est peut-être vraiment Richard ! Quand on retrouve la terre ferme suffisamment longtemps, monsieur Legoff disparaît et ne revient que pour le départ. Et à chaque fois, on a du mal à le reconnaître : les cheveux bien coupés, la barbe taillée. A tous les coups, il doit avoir une femme à chaque port qui le bichonne !
- Très bien ! Merci de votre aide !
- Y a pas de quoi ! J'espère qu'il trouvera son âme sœur !

L'homme s'en alla reprendre son travail. Maintenant, il ne restait plus qu'à trouver le fameux Richard Legoff.

- Une idée ? demanda Vincent à Matiana.

[HRP : Tu m'excuses si j'ai fait un peu agir ton perso à ta place, mais je trouvais que ça s'y prêtait bien ^^]

Matiana avait écouté avec grand intérêt - et grand plaisir - les explications du docker. Si l'homme n'avait pas coupé ses cheveux à ce jour, le retrouver ne serait pas si simple. Si, en revanche, il avait eu le temps d'aller chez le barbier, la recherche serait simplifiée.

- Quel dommage que l'homme soit déjà parti en ville ! Quelques jours plus tôt, nous l'aurions trouvé ici même... Nous aurions dû demander à cet homme s'il connaît les habitudes de ce Richard Legoff... Nous n'avons pas le choix : il va falloir continuer les recherches ! Mais comment, je me le demande bien. Allons-y de façon classique : qu'en dit mon pendule ?

Mattie ressortit l'objet de sa sacoche et le tendit devant elle, avant de tourner lentement sur elle-même. Lorsqu'elle fut tournée vers le centre-ville, le pendule se mit à balancer avec un peu plus d'entrain.

- Ah ! On dirait bien que c'est par là ! Vous venez ? demanda-t-elle à Vincent avec un grand sourire. Je crois qu'il vait juste besoin d'un peu plus de précisions.

Elle attendit le jeune homme et ensemble, ils prirent la direction du centre. A chaque croisement, Matiana tournait sur elle-même pour trouver la direction à prendre. Au bout d'un certain temps, ils arrivèrent dans un quartier d'artisans et le pendule sembla hésiter.

- Ah non, hein ! Allez, un petit effort ! Nous y sommes presque, ne me lâche pas maintenant !

Mais rien à faire, le pendule semblait perdre la trace.

- Ah, zut ! Dites-moi, Vincent, je ne connais pas bien le quartier, savez-vous où l'homme aurait pu aller ?

Oui... La divination était un art infiniment capricieux. Toutefois, elle s'avérait capable de fournir les indices nécessaires à l'avancement d'une enquête, notamment lorsque les éléments matériels venaient à manquer. Une voyante et un enquêteur formait ainsi un duo redoutable pour dénouer les fils d'un mystère. Quand bien même la tzigane les avait "perdus" en plein milieu d'un quartier artisan qu'il ne connaissait pas très bien non plus, Vincent songea qu'il avait été finalement bien inspiré d'accepter cette alliance avec Matiana, ne serait-ce que pour cette affaire et, il l'espérait, pour d'autres à l'avenir.

- Ok ! Nous savons qu'il y a de fortes chances qu'il aille voir un barbier ou un coiffeur. Commençons par interroger ceux qui se trouvent par ici. J'espère néanmoins que le pendule n'indiquait pas le lieu d'habitation d'une quelconque maîtresse. Car même si, grâce à vous, notre zone d'investigation a été largement réduite, ce serait malgré tout bien plus compliqué à trouver.

... Sans parler du fait que convaincre un homme que l'on dérangerait en pleins ébats que son "âme sœur" nous envoie le quérir serait du coup bien plus compliqué. Déjà que, depuis qu'il avait entendu parler de cette histoire de "femmes dans chaque port", l'homme à tout faire avait un mauvais pressentiment...

Matiana et Vincent fouillèrent le quartier au peigne fin à la recherche de tous les professionnels du poil. Ils en interrogèrent une dizaine avant de finalement tomber sur "Doucy et Fils", artisans de la barbe depuis 3 générations.

[HRP : Et je te laisse mener l'interrogatoire ]

Les arguments de Vincent étaient bien valables. Et les voilà à faire tous les barbiers et coiffeurs de la rue, et à poser des questions sur leur homme. La plupart les envoyèrent sur les roses, ne connaissant pas l'homme en question. Ils se prirent même un "C'est pas bientôt fini d'embêter les bonnes gens ? J'ai du travail, moi !". Mattie espéra que Richard Legoff n'était pas passé par là. Ils arrivèrent enfin à une enseigne où le patron put les renseigner. La boutique s'appelait "Doucy et Fils", et deux hommes pratiquaient leur métier au soleil. Ils avaient installé les chaises sur les pavés de la rue et rasaient leurs clients de près. A voir leurs visages et leur différence d'âge, on pouvait se douter que se trouvaient là monsieur Doucy et son fils.
Matiana et Vincent s'approchèrent du "père", et attendirent qu'il rince sa lame pour ne pas le surprendre - et créer un incident regrettable pour le client.

- Bien le bonjour, monsieur.
- Mam'zelle. Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? Z'avez pas un museau qu'on raserait, foi de barbier !

Il rit, suivit de son fils et de leurs clients. Mattie ne s'offusqua pas : elle avait saisi que la boutade n'était pas méchante.

- Non, assurément. Je suis à la recherche d'un homme, un marin, qui vient se faire raser la barbe sitôt qu'il met pied à terre. Étant donné qu'il passe de nombreux mois en mer, il doit arriver avec une barbe assez conséquente...

- Olà mam'zelle, z'imaginez le nombre de gens qu'on rase tous les jours ? Z'avez pas plus d'informations ?

- Si monsieur, j'ai son nom. L'homme s'appelle Richard Legoff, et porte un tatouage de requin sur l'épaule.

Le barbier se tourna vers son fils.

- Ça t'dit quequ'chose à toi, Legoff ?

- Ptet bien qu'oui. Un grand gaillard, brun, qu'avait une sale barbe bien broussailleuse, à tel point qu'j'ai dû ly faire payer le double ! Il est passé hier.

Matiana respira, un sourire aux lèvres. Ils étaient sur la bonne piste.

- Est-ce que par hasard il vous a parlé de son séjour à Paris ? Des endroits où il irait ?

- J'crois bin qu'oui. L'a dit qu'il irait voir sa vieille mère et qu'il avait plein d'choses à faire. Vu comme y m'a demandé de le parfumer, jcrois bien qu'yavait une femme là-d'sous !

Le sourire de Matiana s'effaça. Elle remercia les hommes te se tourna vers Vincent.

- Zut... S'il a une amante, on va faire quoi ?

- Notre mission consiste à retrouver l'âme soeur Si Isabelle et Richard sont bel et bien destinés, il arrêtera peut-être de fréquenter d'autres femmes... ou bien c'est elle qui se fera à son côté "volage". Nous n'avons pas à mettre nos sentiments là dedans... juste faire ce que pour quoi nous sommes payés en faisant le mieux possible pour que la cliente soit ravie.

Le problème, c'est que leur piste chez le barbier n'avait pas été aussi fructueuse que prévue. Tout du moins si l'on s'en tenait à la théorie selon laquelle la cible avait effectivement une amante. Il restait néanmoins la possibilité que Richard n'ait pas menti à son barbier et qu'il soit simplement un fils aimant. Et dans ce cas, il ne restait plus qu'à trouver une Madame Legoff, en espérant qu'elle réside dans les environs. Vincent retourna à l'intérieur de la boutique. Il avait encore une dernière question avant de relancer les recherches :

- Excusez-moi !
- Ah ?!
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Vous non plus, vous n'avez pas un museau qu'on raserait !

Une fois encore, le gérant se mit à rire en chœur avec son fils et les autres clients. A ceci près que, contrairement à Matiana, Vincent ne trouva pas la boutade amusante. Malgré ses 27 ans, sa pilosité restait inlassablement celle d'un adolescent. Mais bien que touché dans sa virilité, l'homme à tout faire émit un petit sourire gêné et toussota :

- Oui... Euh... Ok ! Je voulais vous demander, à propos de Richard Legoff... Il n'y avait pas quelque chose de "bizarre" dans son comportement.
- Bizarre ?! Euh...
- Bon laissez-tomber !

Vincent s'apprêtait à ressortir quand le fils l’interpella :

- Y fermait les yeux !

L'homme à tout faire se retourna :

- J'sais pas si c'est ce qu'vous cherchez comme truc bizarre, mais pendant qu'j'le rasais, y n'a pas une seule fois ouvert les yeux !
- Ok ! Merci !

De retour dans la rue auprès de Matiana, Vincent prit une démarche rapide. Il entraîna la tzigane dans une petite ruelle, à l'abri des regards et s'arrêta pour lui faire face :

- Mlle La Joétie... Vous n'auriez pas oublié de me communiquer un détail concernant le tirage de cartes de Richard ?

L'allure terriblement négligée de Mr Legoff décrite par les différents témoins lui avaient mis la puce à l'oreille. Ce n'était pas un indice suffisant mais, en tant qu'agent du Voile, Vincent avait appris à ne pas négliger les petits détails. Et ce que lui avait révélé le barbier fils confirmait ses craintes : il est normal que "l'âme soeur" de sa cliente ait une apparence peu soignée tout comme il est naturel pour lui de fermer les yeux devant son miroir. Car dans son reflet, il ne trouvait sans doute qu'un monstre horriblement laid... lui, le Possédé.

Matiana observa le manège de Vincent sans comprendre. Leur "interrogatoire" n'avait abouti à rien, pourquoi insister ? Les deux barbiers n'avaient certainement rien à dire de plus à Vincent qu'ils ne lui avaient dit, à elle. Et certes, elle n'était "qu'une" Tzigane, mais tout de même, en matière d'interrogatoires et de renseignements, elle avait été à bonne école justement...
Elle le laissa poser ses questions, d'un air dubitatif. Un comportement bizarre... N'importe qui pouvait avoir un comportement bizarre aux yeux des gens, de nos jours !

- Il fermait les yeux !

Fermer les yeux ? Quelle drôle d'idée ! Mais la révélation semblait avoir révélé quelque chose aux yeux de l'homme à tout faire, car celui-ci revint vers Matiana avec les yeux brillants. Il l'entraina par le bras en direction d'une ruelle proche.

- Vincent ? Mais, qu'est-ce qui vous prend ?

- Mlle La Joétie... Vous n'auriez pas oublié de me communiquer un détail concernant le tirage de cartes de Richard ?

Mattie s'assombrit. Elle n'aimait pas qu'on mette en doute ses capacités.

- Tout d'abord, je n'ai jamais dit qu'il s'agissait d'un tirage de cartes. Isabelle Later m'a demandé de lui lire les lignes de la main, ce que j'ai fait. Sa ligne d'amour n'émettait aucun doute : l'homme de sa vie était tout proche... Du coup, j'ai "plongé" - j'ai provoqué une vision. Je n'en ai vu que ce que je vous ai dit. La seule chose que je n'ai pas détaillé, c'est son tatouage... Mais, quelle importance ?

Voyant l'air de plus en plus intéressé de Vincent, elle finit par avouer :

- D'accord ! Puisque vous insistez... mais, ce détail ne concerne pas la lecture que j'ai faite à Isabelle Later. Elle concerne le tirage que je vous ai fait lorsque vous êtes venu me voir hier. Lorsque j'ai tiré les cartes pour l'âme-sœur de ma cliente, j'ai eu une vision. Cela m'arrive régulièrement, mais parfois cela ne concerne pas la demande du client, alors je n'en parle pas. Là, j'ai vu ce monsieur Legoff... Mais, ce n'était pas vraiment lui. Il était tout jeune, et c'est comme si... Une "chose" était superposée à son image. Une espèce d'ombre enfouie en lui... Je n'en ai pas parlé car j'ai pensé que c'était quelque chose de personnel le concernant, et que je ne pensais pas que ça nous servirait pour le retrouver.

[HRP] J'édite, en accord avec Vincent par MP]

- Pourtant, ce petit détail va grandement nous aider à trouver notre "âme soeur"

Plutôt que de l'accabler de reproches, Vincent préféra adopter une posture de professeur. Cette fille était encore jeune après tout. Elle avait encore beaucoup à apprendre sur le tarot, d'autant plus qu'elle ne pouvait pas être au courant d'une information précieuse au sujet de ses cartes. Même au sein du Conseil, la découverte était relativement récente.
Et puis mieux vaut tard que jamais ! L'affaire risquait d'être bien plus facile à résoudre. Malheureusement, il n'y aurait pas de salaire avant au mieux quelques mois. Car dès qu'ils auraient trouvé Richard, Vincent devrait le faire enfermer, et il ne sortirait de sa prison que s'il parvient à accomplir l’Épreuve du Reflet. Néanmoins, il préféra ne pas révéler ce "point de détail" à sa partenaire... enfin, pas pour le moment. C'était certes injuste pour elle, cependant, à partir de maintenant, il n'était plus Vincent Genevrier, homme-à-tout-faire, mais un agent du Voile tout ce qu'il y a de plus professionnel.
Dans un sourire, il expliqua alors à Matiana tout ce qu'elle avait besoin de savoir présentement :

- Richard est un Possédé ! Tout comme moi. Et le truc avec les Possédés, c'est que nous sommes directement rattachés à une arcane supérieure du Tarot.

Pour illustrer son propos, Vincent sortit de la poche intérieure de son imperméable une carte qu'il gardait toujours précieusement avec lui. Elle lui avait été remise par la première tzigane à avoir procédé à un tirage pour le jeune homme.



- Pour moi, c'est la carte du Diable. Mais ne vous en faites pas, c'est comme pour vos divinations : le Diable n'est pas nécessairement synonyme de mauvaise chose, précisa-t-il avant de la ranger à nouveau. Dans tous les cas, j'ai pu voir des voyantes à l'oeuvre : si vous disposez de suffisamment d'informations et notamment l'arcane de votre cible, vous devriez pouvoir la retrouver facilement. N'y avait-il pas une carte qui vous a semblé ... "hors de propos", lorsque vous avez tiré pour savoir si j'allais le retrouver ?

Matiana écouta Vincent avec grande attention. Ainsi, leur piste était un Possédé... A la demande du jeune homme, elle fouilla sa mémoire à la recherche du tirage qu'elle lui avait fait la veille.

- Maintenant que vous le dites... L'Empeureur n'avait pas l'air à sa place dans le tirage, non. Savez-vous ce que cette carte pourrait signifier ? Je n'y connais malheureusement pas grand-choe au sujet des Possédés, je pense que vous pouvez m'apprendre des choses.
Pour vous, dans le tirage c'était limpide et je l'ai vu de suite, mais pour monsieur Legoff, c'est comme si l'information avait voulu se cacher.
J'ai entendu dire que les Possédés devaient passer un genre de test pour valider leurs compétences. Peut-être que c'est ça ? Peut-être qu'il n'a pas encore passé le test et que c'est pour ça que ce n'était pas clair pour moi ?
Quoi qu'il en soit...

Matiana sortit son paquet de cartes de son corset.

- J'ai laissé mon jeu de tarot à la maison. Mais, l'empereur a un équivalent en jeu de cartes classiques. Voici le valet de trèfle et le cinq de carreau. Combinés à mon pendule... Regardez, Vincent ! Ça marche !

Enthousiaste, elle sortit de la ruelle pour reprendre un chemin plus vaste. Plus ils avançaient, plus le pendule s’agitait. Elle se retenait de courir pour ne pas fausser le balancement de l'objet. Ils parcoururent encore quelques rues avant de s'arrêter devant la façade d'un immeuble un peu miteux. Matiana profita de la sortie d'un homme pour l'apostropher :

- Excusez-moi, monsieur. Peut-on trouver ici un monsieur ou une madame Legoff ?

- Absolument pas mam'zelle, lui répondit l'homme qui s'éloigna avec un regard soupçonneux.

- Et pourtant, il est ici, c'est sûr ! Que faisons-nous, Vincent ?

L'Empereur... L'arcane du protecteur ou du tyran. Lors de la guerre, Vincent avait connu un Possédé de l'Empereur. Fredrich Lutz. Il se trouvait dans le camp ennemi et naturellement, ils avaient dû s'affronter. Car si Fredrich se voyait comme le protecteur de sa patrie, pour Vincent, il était plutôt du côté du "tyran". Vraiment, tout dépendait du contexte. Le soldat du Conseil français était sorti vainqueur de leur jouxte. L'allemand avait obtenu le pouvoir de recouvrir son corps d'un métal magique le rendant indestructible. Malheureusement pour lui, ce n'était qu'une couche sur sa peau. Il avait suffit à Vincent de le toucher pour faire apparaître une fourche de l'autre côté de sa carapace, transperçant ainsi ses organes internes. Peu d'ennemis auraient pu le vaincre mais malheureusement pour lui, il était tombé sur l'un des rares capable. Toujours cette histoire de contexte...

Plongé dans ses souvenirs, le désormais agent du Voile suivait machinalement Matiana tandis qu'elle le conduisait vers leur cible. Le pendule indiqua finalement un vieil immeuble. A la question de la tzigane, Vincent répondit :

- Vous, vous restez là et faites-vous discrète ! Rappelez-vous : notre cliente ne doit jamais savoir que nous avons travaillé ensembles ou elle pourrait s'imaginer que tout ceci n'était qu'une machination. Allez prendre un café au coin de la rue en m'attendant.

Il lui donna suffisamment pour se payer deux ou trois tasses avec peut-être même une viennoiserie.

- Moi, je vais monter et expliquer notre visite à Richard. Si vous me voyez sortir avec lui, on se retrouve à 17h à mon agence. Ca vous va ?

Vincent espérait que "oui". L'agent du Voile allait devoir procéder à une arrestation de Mr Legoff et il souhaitait éviter que Matiana ne soit impliquée là-dedans. Sa mission était secrète après tout. Il projetait ainsi de capturer en secret le pauvre Richard pour le livrer au Conseil. A sa partenaire, il mentirait une nouvelle fois en disant que le bougre refusait obstinément de rencontrer Isabelle Later.

[HRP : En vrai, je tiens à préciser que tu fais ce que tu veux ! Les pensées de Vincent ne représentent pas ma volonté implicite ]

Matiana ne comprenait pas bien pourquoi Vincent voulait la tenir éloignée. Elle tenta d'argumenter plusieurs fois pour rentrer avec lui dans l'immeuble : sans succès. A court d'idées, elle prit - de mauvaise grâce, elle n'aimait pas "faire la manche" - les pièces de monnaie de Vincent.

- D'accord, je reste ici. Mais, je vous attends à la terrasse. Je ne repars pas sans vous.

Cela sembla convenir à Vincent, qui rentra dans l'immeuble.
Matiana s'installa à la terrasse du café en face, comme convenu, et commanda un chocolat. Mais elle ne paya pas avec les pièces de Vincent. Elle sortit sa propre monnaie, qu'elle donna au serveur. Elle installée au soleil, posa les pièces de l'homme à tout faire sur la table. Les pièces avaient dû lui appartenir un certain temps, car elles dégageaient la même aura. Elle se concentra sur les pièces...

Et se retrouva dans un escalier étroit, en train de suivre Vincent, tandis qu'il montait un à un les étages jusqu'au quatrième.

Vincent frappa à la porte de l'appartement et se mit instantanément dans son rôle :

- Police du Conseil de la Magie, ouvrez !

C'était la procédure standard : l'agent Genevrier ne devait jamais parler du Voile aux non-initiés. Il disposait néanmoins des accréditations (et d'une plaque) pour se faire passer pour un simple policier mandaté par le Conseil. Cette autorité lui permettait de forcer l'entrée de nombreuses portes... mais visiblement pas celle-ci.

- Richard Legoff, je sais que vous êtes là ! Si vous n'ouvrez pas d'ici cinq secondes, je serai dans mon droit de la défoncer. 5... 4... 3... 2...

Juste avant qu'il ne dise "1", Vincent entendit le loquet s'ouvrir. La seconde d'après, une femme, la trentaine, l'invita à entrer :

- Allez-y !

L'agent du Voile passa le seuil pour découvrir qu'à l'intérieur de cet appartement miteux vivait une famille, de la grand-mère aux petits enfants. Ils étaient 12 en tout, 6 enfants et 6 adultes tous regroupés dans le salon à regarder cet intrus avec effroi. Assis sur un fauteuil, se trouvait un homme bien bâti et la barbe finement taillée. Vincent n'eut pas besoin d'inspecter son épaule gauche pour reconnaître le fameux Richard Legoff.

- Que voulez-vous à mon frère ?! hurla la dame qui avait laissé entrer l'agent du Conseil.
- Du calme, Madeleine.

Le marin se leva calmement de son siège et rejoignit Vincent qu'il dépassait de quelques têtes. Il ne se laissa pas pour autant impressionner, même si ce n'était visiblement pas ce que cherchait Richard.

- Certains membres de votre équipage sont suspectés de faire de la contre-bande d'artefacts magiques. On souhaiterait vous interroger au poste de police.
- Très bien, soupira le Possédé. Je vous suis !

L'agent du Voile fut quelque peu surprit de voir l'homme obtempérer aussi facilement. Il s'était attendu à au moins une protestation de sa part. Peut-être y avait-il vraiment une affaire de contre-bande sur son bateau... ou bien était-ce la présence de sa famille qui l'avait conduit à éviter toute esclandre ? Ou encore prévoyait-il de tenter une évasion sitôt dehors ? Quoi qu'il se passe, Vincent se tenait prêt. Il salua les proches de Richard et, quand ce dernier leur dit "à bientôt", ne put s'empêcher d'éprouver un pincement à coeur. Il était professionnel, mais détestait devoir séparer des amis, des amants, des familles. A l'époque, il n'aurait jamais pu supporter qu'on le vole à ses parents adoptifs et à ses soeurs, même pour toutes les bonnes raisons du monde. Pourtant, il devait le faire. Car, bien que cruelle, cet isolement était la seule solution pour que les Possédés ne mettent pas en danger leurs concitoyens.

- Attendez...

Alors qu'il se trouvait juste au seuil de la porte, Vincent intima à Richard de s'arrêter. Il sortit ensuite sa plaque d'Agent du Conseil. En son centre, se trouvait une perle qu'il suffisait d'effleurer pour pouvoir entrer en communication avec Astrid, une magicienne dotée de capacités de télékinésie et qui relayaient les informations via ces bijoux. Vincent souhaitait lui confier pour mission de trouver quelqu'un à proximité pour s'occuper de sa cible, le temps qu'il dise à Matiana que leur mission est un "échec". Mais alors qu'il s'apprêtait à passer son appel, il sentit quelqu'un tirer sur la manche de sa veste.

- Vous... vous allez mettre en prison mon tonton ?

C'était l'une des enfants que Vincent avait entraperçu à l'instant. La petite nièce de Richard le suppliait, les yeux pleins de larmes.

- Désolé, mais je ne peux rien te dire pour l'instant.

Brusquement, il se retrouva au bout d'un pistolet... porté par la gamine dont le visage avait tout aussi soudainement gagné en maturité.

- Je ne te laisserai pas l'emmener !

Derrière, le musculeux Richard s'était interposé pour lui bloquer l'accès aux marches. L'enfant appuya sur la gâchette. Heureusement, Vincent bondit juste à temps de la rambarde surplombant la cage d'escalier, échappant au passage sa plaque du Conseil. Il se rattrapa sur la manche d'une fourche qu'il avait fait apparaître sur un mur, et se laissa ensuite tomber à l'étage précédent.

- Il faut qu'on le rattrape, Richard !

Vincent leva la tête. Sa petite agresseuse s'était transformée en une jeune femme rousse qu'il avait eu le malheur de croiser dans le passé : Clémence Solenne. Elle était une Possédée comme lui, ayant réussi l'épreuve du Reflet, pour réveiller son Vassal de l'arcane de la Roue de la Fortune. Elle disposait depuis du pouvoir de changer son apparence à volonté. Mais pire encore, elle faisait partie de cette mystérieuse organisation rivale du Conseil qui offrait assistance aux Possédés pour leur permettre de passer l'épreuve du Reflet, sans être soumis au prestigieux ordre de contrôle de la magie. Clémence était la raison du comportement étrange de Richard : elle avait du offrir sa protection à lui et sa famille. Et pour cela, elle ne voyait aucun inconvénient à assassiner un Agent du Voile, bien au contraire. Vincent devait donc fuir le plus rapidement possible, d'autant que la balle de pistolet, si elle n'avait pas atteint son but, avait malgré tout perforé le côté gauche de son ventre. Tandis que le sang coulait abondamment de sa blessure et que ses poursuivants dévalaient les marches de l'escalier à toute vitesse, il se déplaçait péniblement vers la sortie.

Assise à la terrasse de son café, les yeux fixés sur la pièce de monnaie, Matiana y plongeait le regard comme dans un miroir. L'action semblait se dérouler comme devant elle, et elle suivait Vincent au moindre de ses pas. Jamais elle n'avait plongé aussi profondément dans une vision - c'était comme si elle rêvait éveillée.
Elle trouva l'excuse de Vincent très bien trouvée - la police, voilà une bonne excuse pour faire ouvrir une porte. Et l'idée de la contrebande encore meilleure.
Mais lorsque les choses se précipitèrent, Mattie comprit que quelque chose clochait. Et lorsque la gamine brandit un pistolet, elle ne se posa plus la question. Avant même qu'elle n'ait pu réagir, les choses se précipitèrent. Elle n'avait pas franchement le choix.
Elle ramassa la pièce sur la table et fonça en direction de l'immeuble en face. Dans sa tête, elle ne cessait de voir le sang couler du corps de son coéquipier.
Elle retira ses chaussures, trop bruyantes, et se faufila sans bruit dans le vestibule, qui résonnait de cris et de cavalcades. Elle savait que Vincent se trouvait quelque part entre elle et ses agresseurs, et n'avait plus qu'à monter jusqu'à le retrouver. Elle se colla au mur et partit à sa rencontre. Au-dessus de sa tête, elle entendait les cris de la femme, qui montrait une belle hargne à le retrouver. Enfin, arrivée au premier pallier, Mattie vit Vincent, plié en deux, qui se tenait péniblement à la rambarde. Ni une, ni deux, elle l'attrapa par l'épaule et l'aida à descendre les marches. Elle vit l'incompréhension dans son regard :

- Qu'est-ce que vous croyez ? lui chuchota-t-elle. Que j'allais vous laissez y aller sans vous couvrir ?

A ce moment, un deuxième coup de feu retentit, et elle accéléra le pas. Elle poussa son acolyte dans un angle et le supplia presque :

- Vincent, donnez-moi votre carte... Le Diable, vite ! Je peux peut-être nous sortir de là...

Vincent ne s'était pas attendu à l'arrivée de Matiana. Ca allait compliquer les choses. La tzigane risquait d'être témoin de secrets sur le Conseil et le devenir des Possédés. Que devrait-il faire à ce moment-là ? La mentionner dans son rapport pour le Conseil ? Cependant, s'il faisait ça, la vie de la jeune femme ne serait plus jamais la même. Elle serait sans doute sous surveillance... au mieux.
Mais ça, c'était des problèmes pour l'avenir. Présentement, il était ravi de la voir lui porter secours. Et même si Vincent n'avait aucune idée de la manière dont sa carte du Diable pourrait lui être utile, il la lui remis bien volontiers.

- Tiens ! Qu'est-ce que tu vas en faire ?

Matiana sourit en voyant Vincent lui confier sa carte.

- Je vais nous faire gagner du temps.

Elle la tendit devant elle et ferma les yeux.

Pourvu que ça marche... Je n'ai fait ça qu'une fois !

Elle concentra tout son esprit dans la carte et essaya d'agir au plus vite. Même s'ils étaient cachés derrière l'angle du mur, elle pouvait entendre parfaitement les bruits de course qui se poursuivaient dans la cage d'escalier. Mais, avec soulagement, elle sentit bientôt la carte vibrer. Elle prit son inspiration et souffla dessus avec force. Quelques instants plus tard, une espèce de petit démon à quatre pattes se tenait devant eux. Mattie se tourna vers Vincent et lui rendit sa carte :

- Ce n'est qu'une illusion pour nous faire gagner du temps. Son corps est transparent et ne va durer que quelques minutes, expliqua-t-elle en passant son bras au travers du spectre. Allez, Vincent, sortons-nous de là.

Elle agrippa l'homme sous l'épaule et ils dévalèrent les escaliers, tandis que l'image de démon partait en sens inverse, créant la confusion sur son passage. Ils profitèrent de la diversion pour sortir du bâtiment et se cacher dans une rue adjacente.

- Pour l'instant, allons à mon logement. Ma logeuse ne rentre pas avant ce soir. La priorité est de vous soigner. Ensuite, je crois que vous avez des choses à me dire, monsieur Genévrier.

Son regard était devenu dur. Matiana n'aimait pas l'idée de s'être fait manipuler.

- Non, je ne peux pas partir !

Maintenant que Richard et Clémence avaient été découverts, il ne leur faudrait pas très longtemps pour s'évaporer dans les airs. L'illusion de Matiana allaient peut-être les distraire quelques temps mais quand ils verraient qu'ils avaient perdu de vue l'agent du Voile, ils s'empresseraient de faire quitter la ville à la famille Legoff. Il fallait à tout prix empêcher ça.

Vincent se dégagea de la tzigane et sortit de son imperméable un gros pansement imprégné d'une magie de soin. Cadeau du Conseil. Il n'était pas fait pour des blessures aussi graves qu'un impact de revolver, mais cela devrait lui permettre d'être en état de combattre. Il l'appliqua sur sa peau et, même si la douleur persistait, le sang cessa de couler... pour le moment.

- Désolé mademoiselle, mais cette affaire a bien trop d'implications. Et croyez-moi, vous n'avez pas envie d'en savoir plus. Rentrez chez vous, je vous verserai de l'argent en dédommagement !

L'agent reboutonna son imperméable pour ne pas laisser entrevoir ses vêtements ensanglantés et voulut reprendre le chemin de l'appartement des Legoff.

- Non mais ça n'va pas, dans votre tête ! s'énerva brusquement Mattie. Faible comme vous êtes, vous voulez affronter des "gens" pareils ! Regardez-vous, vous pouvez à peine marcher ! Vous n'arriverez à rien dans cet état, du moins pas sans mon aide. Et ce n'est pas une condition ! répliqua-t-elle avant même qu'il ne puisse parler. D'abord, ils sont bien plus nombreux que nous. Votre cible, si j'ai bien compris, c'est monsieur Legoff. Sauf qu'il est trop bien protégé, il va nous falloir un plan pour entrer. Visiblement, vous savez vous battre ; moi aussi. Mais je peux créer des illusions qui feront diversion.
Et si je passait par l'escalier et vous par la fenêtre ? Richard est certainement encore dans l'appartement, et il doit y avoir des escaliers de secours derrière le bâtiment.

Matiana sentait encore son "partenaire" sceptique. Elle lui sourit pauvrement :

- J'ignore dans quoi vous m'avez embarquée, mais je vais devoir vous demander un supplément. Se battre, pourquoi pas, engager un assaut, ce n'était pas prévu !

Vincent soupira :

- Très bien ! J'abdique ! Pour le supplément, je verrai ce que je peux faire. Mais quoi qu'il se passe par la suite, ne dites pas que je ne vous avais pas prévenue.

L'agent du Voile avait déterminé qu'il lui prendrait bien trop de temps pour convaincre Matiana de rentrer chez elle. Richard risquait de s'enfuir d'ici là. De plus, la voyante n'avait pas totalement tort : Clémence n'avait beau avoir aucun pouvoir offensif, elle n'en demeurait pas moins une redoutable adversaire rompue aux arts de l'assassinat. S'allier à Matiana ou abandonner constituait ses seules options, et il n'aimait pas abandonner. Le problème c'est qu'il entraînait ainsi sa "partenaire" dans un monde prêt à tout pour conserver ses secrets.

- Allons-y !

Tous les deux revinrent à l'appartement des Legoff et se dispersèrent conformément au plan de Matina. Vincent grimpa ainsi l'escalier de secours jusqu'à rejoindre la fenêtre où logeait toute la famille. Ils n'étaient pas encore partis, mais le déménagement était en cours. Les enfants pleuraient, refusant de quitter leur demeure. Richard s'excusait platement pour cette situation. Sa soeur lui intima cependant de se taire, arguant que les Legoff restaient soudés, même et surtout dans l'adversité. Clémence, sous son apparence normale ou tout du moins son apparence "habituelle", les aidait.

Vincent n'attendait plus que la diversion de Matiana pour agir.