[4 avril 1873] Logis de Rêverie

Aurore reposa sa serviette et se leva un peu gauchement avec un soupir. Petite infraction aux codes habituellement en vigueur, elle dînait avec son employeur, mais ni l'un ni l'autre n'aimaient se retrouver seuls à table, alors l'arrangement leur convenait à tous deux. Sa jambe lui faisait mal après une journée à arpenter la Foire, et l'idée de devoir s'aventurer près de la Basilique en construction ne l'enchantait guère, le quartier avait plutôt mauvaise réputation. Certes, elle pourrait demander à son patron de l'accompagner, mais elle voulait en savoir plus sur Rêverie avant de la signaler au Voile. Et surtout, elle voulait avoir une chance de soulager ces douleurs qui lui rendaient parfois la vie infernale, comme ce soir.

_ Eh bien Monsieur, je vais y aller. Je ne pense pas rentrer trop tard, mais ne m'attendez pas. Je vous souhaite une bonne soirée.

La gouvernante enfila son manteau, mit son chapeau, et se saisit de son parapluie, faisant coulisser la lame un instant pour vérifier que rien ne gênait pour la dégainer. Elle se rendit ensuite sur la place toute proche pour prendre un fiacre en direction du quartier de Montmartre. Comme elle s'en doutait, celui-ci refusa de l'amener plus loin de la place des Abbesses, et elle se résigna à grimper la butte à pied. Elle était trop fatiguée pour se disputer avec un cocher, et de toute façon elle aurait eu peu de chances de lui faire entendre raison, sauf à un prix exhorbitant. Une fois la basilique achevée, il en serait peut-être autrement, mais pour l'instant les fiacres refusaient presque tous de dépasser la place des Abbesses ou la place de Pigalle.

Petite vengeance un peu mesquine, elle ne laissa au cocher que quelques piècettes pourboires avant d'entamer l'ascension de la butte. Elle boîtait bas, la douleur dans sa jambe était à la limite du supportable, mais elle ne voulait pas prendre de suite de la morphine, n'en connaissant pas tous les effets. Elle préférait être au calme pour pouvoir tester cette nouvelle drogue. Si elle devait diminuer ses facultés mentales ou ses réflexes, elle préférait que la première expérience se fasse au calme, et non lors qu'elle traversait un quartier mal famé. Certes elle était habillée simplement, mais elle détonait tout de même au milieu de la population du quartier, et elle sentait sur elle des regards pesants. Heureusement la réputation de la guérisseuse devait être importante, car nul ne l'embêta, sa claudication devait les informer de sa destination.

Après de multiples pauses, et s'appuyant lourdement sur son parapluie, Aurore arriva enfin près du chantier de la Basilique, et repéra bien vite la Taverne de la Sirène des Bois au brouhaha qui en émanait. Elle s'enfonça dans l'allée qui la longeait, hésitant toutefois à avancer plus dans cette ruelle sombre bordée de maisons qui tenaient plus de la cabane de bric et de broc qu'autre chose.

Allez ma fille, ce n'est pas parce que ces gens sont pauvres qu'ils vont te sauter dessus et te dépouiller. Avance!

Elle continua donc vers le fond de l'impasse, pour se retrouver devant une petite masure de laquelle filtrait de la lumière. Elle frappa doucement à la porte, et entendit rapidement une voix lui répondre d'entrer. Elle ouvrit la porte, et resta figée quelques secondes sur le seuil, u peu éblouie par la lumière, et par le bazar qui régnait dans la petite pièce.

_Bonsoir, je suis venue pour... la consultation.

Cela lui faisait bizarre parler de consultation dans un tel lieu, elle qui était habituée aux hopitaux et aux cabinets médicaux à la pointe du progrès. Mas peut-être trouverait-elle là le remède à ses douleurs.

De loin, Vincent observa Aurore entrer dans la très modeste bâtisse. Ca ne lui plaisait pas beaucoup de suivre son employée en douce comme ça. Il avait l'impression de trahir sa confiance. Mais il était habitué : ses missions pour le Voile le conduisaient très souvent à jouer avec la crédulité des gens. Même s'il n'aimait pas ça, il continuait. Car il savait pertinemment qu'il œuvrait pour le bien commun. Et là encore, il espérait que ce soit le cas.

Quelques heures auparavant, à la foire de Montmartre, il avait rejoint Aurore afin de lui demander si, au cours de sa discussion avec Rêverie, elle avait appris quelque chose mais aussi pour la prévenir qu'il prenait la dangereuse fugitive en filature. De cette façon, s'il advenait qu'il mourrait, sa gouvernante pourrait alerter le conseil. En l'accostant, il lui avait toutefois demandé si rien d'anormal ne s'était passé, par politesse. Elle lui avait répondu nonchalamment que les publicités pour l'Agence partaient bien et s'en était ensuite allée terminer la distribution, sans dire un mot sur sa rencontre récente. Dans un premier temps, il avait songé que peut-être ne l'avait-elle tout simplement pas reconnu. Mais il ne crut pas à cette hypothèse : l'une des grandes qualités d'Aurore, c'était son sens de l'observation et sa mémoire, extrêmement bien rangée. Vincent avait ainsi décidé d'annuler sa filature. Déjà, il savait que Rêverie se trouvait actuellement dans la capitale. Et vu la dangerosité de la jeune fille, il ne devait commettre aucune imprudence

Il songea d'ailleurs que, ce soir là, il en faisait peut-être une. Le plus sage aurait probablement de patienter tranquillement à la maison. Aurore avait sans doute ses raisons de ne rien lui dire pour le moment. Néanmoins, étais-ce l'influence de Metatrelh de l'arcane du Diable ou simplement un caractère hérité de sa famille inconnue ? (Vincent était rattaché depuis trop longtemps à son vassal pour se souvenir avec exactitude de son ancien "lui"). Tout ce qu'il savait, c'est qu'il détestait attendre sagement. Tout au plus pouvait-il accepter de rester dans l'ombre pour n'en sortir qu'en cas de danger.

[HRP : Désolé si je m'incruste un peu, mais il fallait que je trouve une explication logique pour justifier que finalement, Vincent ne suive pas Rêverie à partir de la foire de Montmartre]

J'étais tellement absorbée par ma lecture des aventures d'Alphonse Monocouille que j'en oubliai mon rendez-vous avec la gente demoiselle de tout à l'heure.

Je fus plutôt surprise quand elle m'annonça vouloir me visiter en soirée, il fallait bien du courage pour traîner dans ce coin là en pleine journée, alors je n'ose imaginer les atrocités qui pourraient se tapir ici de nuit.
Peut-être était-elle une magicienne expérimentée, ou juste une noble inconsciente, toujours est-il que mon revenu de ce mois-ci reposait en grande partie sur sa bourse bien dodue.

- Veuillez entrez madame ! Désolé pour le... euh... très gros désordre.

Je me frayai un chemin parmi une grosse pile de bouquin d'alchimie, enjambai des prothèses artisanales qui gisaient par terre, puis ramassai un tabouret qui s'était retrouvé planté je ne sais comment entre deux étagères remplies de médicaments périmés.

- Asseyez-vous, il faut juste que je trouve mon... euh... où est-ce que je l'ai mis...

Je trifouillai un immense amas de linge sale, puis en extirpait deux trois babioles avant de trouver finalement l'objet que je cherchais : Le monocle magique qu'utilisait le docteur Ambre pour osculter ses patients. Je le plaçai sur mon oeil gauche et me retournais vers la dame, qui semblait tout aussi embarassée que moi par le désordre ambiant.

Allez Rêverie, ne te laisse pas impressioner ! Montre lui que tu n'as rien à envier aux plus grands médecins de cette ville !
Je me rapprochai d'elle et l'analysait avec mon monocle, l'origine de la douleur sautait littéralement aux yeux, j'avais rarement vu une cicatrice aussi grande, mais n'abordons pas ce sujet là pour l'instant...

- Donnez moi votre jambe tout d'abord, vous boitez car l'os s'est quelque peu déboité, je vais arranger cela.

- Veuillez entrez madame ! Désolé pour le... euh... très gros désordre.
- Mademoiselle, ou encore mieux, Aurore. Et ce n’est pas très grave pour le désordre, j’en ai l’habitude avec mon patron !

Ces paroles accompagnées d’un gentil sourire, la jeune femme s’avança dans la pièce et suivit la guérisseuse dans la cahute. Décidément, il semblait que ce soit un trait de caractères commun à tous les Possédés, ce manque d’ordre flagrant. Elle trouvait cela la plupart du temps énervant au plus haut point, surtout quand c’est elle qui devait ranger derrière Mister G. Pour rien au monde elle n’aurait avoué qu’elle s’était prise d’affection pour lui, comme d’un grand frère un peu étourdi, mais pourtant c’était bien le cas.

Elle regardait avec un certain amusement son hôtesse farfouiller à la recherche d’elle ne savait quoi, mais son sourire commençait à se figer alors qu’elle commençait à se demander comment une simple guérisseuse, une Possédée recherchée par le Voile de surcroit, pouvait la soulager là où les plus grands professeurs en médecine avaient échoué. Surtout quand la-dite Possédée était réputée dangereuse et qu’elle ne semblait jusqu’ici pas vraiment savoir ce qu’elle cherchait. Mais Aurore était à bout, usée par la douleur qui ne la quittait pas depuis son accident. Elle s’assit sur le tabouret, et attendit que Rêverie ait trouvé ce qu’elle cherchait.

Elle ne put cacher sa surprise en la voyant se retourner avec un monocle, mais la jeune femme semblait sûre d’elle et lui donna bientôt un diagnostic :

- Donnez moi votre jambe tout d'abord, vous boitez car l'os s'est quelque peu déboité, je vais arranger cela.
- Euh, bien sûr. Voulez-vous que je me déshabille, ou au moins que j’enlève mes bottines ?

Le cœur d’Aurore s’était soulevé d’espoir à l’idée de pouvoir remarcher enfin normalement. Cependant elle n’en laissait rien paraître, et surtout, elle s’interdisait d’y croire. Deux-trois questions posées à droite à gauche et un coup d’œil au dossier de Rêverie l’avait convaincue qu’elle n’avait pas à faire à un charlatan, mais elle ne s’autorisait tout de même pas à espérer, elle avait été trop déçue pour cela auparavant.

-Vous pensez que ça suffira à faire cesser la douleur ?

Une vraie bande d'incompétents ces médecins, même pas capables de remettre une jambe à sa place ! Mmmm, ou peut-être était-ce simplement de la pudeur ? Enfin bon, ce n'est pas une raison pour laisser sa patiente souffrir, sacrebleu !

- Euh, bien sûr. Voulez-vous que je me déshabille, ou au moins que j’enlève mes bottines ?

Elle essayait de ne rien laisser paraître, mais cela sautait aux yeux qu'elle en attendait beaucoup de moi. C'était quelque peu flatteur, surtout qu'elle avait visité des médecins connus avant de venir me voir. Il ne me restait plus qu'à assurer mon coup, et j'aurai peut-être de quoi tenir tout ce mois-ci.

-Vous pensez que ça suffira à faire cesser la douleur ?

Ouh... Trop mignon ! On aurait dit une petite fille qui se serait fait bobo.

Ton état mental m'inquiète.

- Pas besoin des bottines, c'est la hanche qui va pas, remontez juste votre jupe et serrez les dents.

Elle hésita un bon moment, puis s'executa finalement avec embarras. Pendant ce temps-là, je faisait sembler de trifouiller quelques affaires, histoire de ne pas la mettre plus mal à l'aise. Quand elle eut tout dévoilé, je compris un peu pourquoi les autres ne voulaient pas qu'elle se déshabille. Ses jambes étaient... Waw ! Dur de resister.

Au risque de me répéter, tu commence vraiment à me faire peur, va pas lui faire des trucs bizarre comme l'autre fois avec la...

- Hum hum.

Je m'éclaircissais la gorge pour faire taire Mort, puis posait des mains tremblantes vers sa hanche (si douce, si ferme). Je n'avais encore jamais performé ce genre d'opérations, et il était si facile de lui paralyser définitivement la jambe que je ne savais plus quoi faire. Pour qu'elle ne se doute de rien, je lui caressait perversement la hanche avec un grand air doctoral.

- Ca ne calmera pas la douleur, la vraie je veux dire. J'ai vu grâce à mon monocle que vous aviez une méchante cicatrice. Le gars qui a fait ça vous a sûrement sauvé la vie, mais pardonnez l'expression, c'était du vrai travail de cochon. Tout est raté, même la suture, et on dirait qu'il a tout simplement oublié de nettoyer la plaie... Je ne parle pas de propreté hein, mais des particules magiques qu'il n'a pas re-absorbé, chaque fois que vous vous rapprochez d'une source de magie ces saloperies s'activent. Du coup c'est un peu normal que cela vous fasse mal, et très franchement, je ne comprends pas comment vous n'êtes pas en train de vous tordre de douleur au sol en hurlant à la mort comme une folle qu'on aurait amputé sans anesthésie. Enfin bref, je peux essayer de "tuer" directement ces particules sans avoir à vous ré-ouvrir, mais...

Crack. Bon, miracle, j'avais réussi à replacer la hanche sans rien casser. Il ne me restait plus que le plus dur.

Non mais t'es folle de lui parler de tes pouvoirs ! Et si elle travaillait pour le Voile ?

Ce n'est pas en doutant de tout le monde que j'avancerai, il faut que j'apprenne à faire confiance aux gens.

- Mmm, voilà pour votre jambe, pour la cicatrice par contre, il faudra que je... Euh... que je...

Ne le fais pas, ne le fais pas !

- ...Je peux vous dévoiler un secret ?

Aurore regarda la guérisseuse d'un air intrigué, curieuse de savoir comment elle allait faire pour remettre sa jambe d'aplomb sans lui faire enlever un seul vêtement. Un instant plus tard, la gouvernante était encore plus gênée, car il lui semblait encore moins convenable de seulement remonter sa jupe que de se dévêtir. Son trouble devait se lire sur ses traits, car la guérisseuse s'était détournée et faisait semblant de fouiller dans un tas de chiffons.

Allez,ma fille, ce n'est rien. Et puis tu sais qu'elle sait réellement guérir, et c'est une femme, alors qu'est-ce que tu attends?

Avec un soupir discret elle releva sa jupe, dévoilant de jolies jambes fuselées gainées de bas de laine (il faisait encore bien frais pour la saison). Rêverie n'avait pas très l'air sûre de ce qu'elle faisait, mais les gestes, eux, étaient sûrs et professionnels. Elle semblait utiliser son sens du toucher pour repérer l'endroit adéquat pour faire sa manipulation, et Aurore commençait à se tendre inconsciemment pour anticiper la douleur quand la Possédée commença à lui parler de la cicatrice qui barrait sa poitrine.

C'était bien la première fois que quelqu'un arrivait à lui expliquer exactement ce qui s'était passé, et surtout ne mettait pas en doute sa douleur, au contraire. La jeune magicienne semblait comprendre à quel point la souffrance était permanente et parfois même insupportable. Tous les médecins qu'Aurore avaient consultés minimisaient sa douleur, et lui conseillaient juste d'être patiente et d'endurer, et quand la douleur était trop forte, de prendre du laudanum. Ce dont elle avait horreur puisque cela la faisait dormir et l'empêchait d'être active. A en croire les médecins, elle n'était qu'une geignarde, mais elle n'aurait pas souhaité les souffrances qu'elle endurait à son pire ennemi.

Toujours est-il qu'elle s'était totalement détendue sous l'effet des mains et de la voix de la guérisseuse, et la remise en place de son os la prit par surprise. Une douleur vive, un hoquet de surprise, et...ma foi...

_ Pour la cicatrice par contre.. je...

Aurore entendait à peine Rêverie, toute occupée à tester sa jambe en portant son poids progressivement dessus. Elle avait encore un peu mal, mais elle avait du mal à en revenir: la douleur sourde qui ne l'avait jamais quittée depuis l'accident avait disparu. Elle poussa même l'expérience jusqu'à se tenir à cloche-pied, et oh miracle, elle ne sentait plus les os crisser les uns contre les autres, et ça ne lui faisait même pas mal!

_ Je peux vous dévoiler un secret?

La jeune femme reprit enfin conscience de la présence de Rêverie, et lui adressa un sourire radieux. Elle n'avait vraiment entendu que le mot secret, et elle n'arrivait pas à croire que la magicienne allait lui révèler sa Possession. Presque inconsciemment, Aurore prit la décision de laisser une chance à la guérisseuse, elle lui devait bien ça.

_ Vous disiez? Excusez-moi, je suis tellement abasourdie par ce que vous avez réussi à faire que je ne vous ai pas du tout écoutée. C'est tout simplement miraculeux, la douleur s'est envolée! Merci, merci du fond du coeur!

Impulsivement, Aurore prit Rêverie dans ses bras, et lui fit deux énormes bises. Et se retrouva aussi embarrassée que son hôtesse, car ce n'était ni dans sa nature, ni dans son éducation de laisser ainsi déborder ses émotions.

- Je peux vous dévoiler un secret ?

J'avais peur, atrocement peur, mais en même temps, je me sentais soulagée, comme si un lourd poids allait me quitter.
Mon interlocutrice ne semblait pas partager mon anxiété, puisqu'elle s'amusait avec sa jambe rétablie sans me prêter attention. C'était frustrant, vraiment, et on ne peut plus énérvant.

Voyant que son attitude me déplaisait, la dame s'excusa aussitôt, puis me... me...prit dans ses bras et m'embrassa ?!
Cela se passa trop vite, le contact de ses lèvres contre ma joue, son parfum, et voilà qu'elle me repoussai déjà.
Je me détournai d'elle tandis que mon visage rougissait.

Oh mon dieu oh mon dieu oh mon dieu, est-ce que je venais de perdre ma virginité ? Plus personne ne voudra m'épouser désormais !

Du calme bon sang, ce n'était qu'une bise !

M-m-mais t'as bien vu comment elle m'a prise dans ses bras ! Je suis sûre que c'était un signal du genre "j'ai envie de te ****, te *****, puis te ***** avec un ******"

Hein ?

C'est parce que je lui ai massé la hanche ! Où peut-être est-ce qu'elle avait ses yeux sur moi dès ce matin ? Mais oui ! Pour quelle autre raison est-ce qu'elle aurait voulu me voir si tard le soir ? Oh mon dieu oh mon dieu oh mon dieu, je ne suis pas encore prête pour ce genre de relations ! Ah mais suis-je bête, elle a sans doute l'habitude de chasser des petites filles innocentes, elle saura donc me guider à travers les voies de la... noooon !

Je rassemblai tout mon courage pour lui répondre droit dans les yeux, mais j'étais au final trop embarrassée et me contentai de fixer le sol.

- Euh... je... ne suis pas contre mais... j'aurai besoin de plus de temps pour... euh... me préparer... mentalement, physiquement, ahaha... désolée.

Rêverie s'était détournée en rougissant violemment lorsqu'Aurore l'avait libérée de son embrassade. Pourtant la jeune femme était loin de se douter de ce qui traversait la tête de la guérisseuse. Elle n'était certes pas une oie blanche - elle avait eu son compte de prétendants aux mains baladeuses, et les goujats ne manquaient pas dans le tramway ou le métro - mais jamais elle n'aurait pu imaginer qu'une femme puisse en désirer une autre, sauf à tomber sur une femme d'extrêmement perverse. Certes Rêverie était une Possédée, mais tout ce qu'il y avait de plus discret, une jeune fille qui cherchait plus à passer inaperçue qu'à attirer les regards.

Aïe, on dirait que tu as fais une grosse bourde, Aurore. C'est pas malin, toi qui voulais gagner sa confiance avant de prendre ta décision sur son sort...Mais qu'est-ce qu'elle me raconte, elle n'est pas contre quoi? Pour quoi elle a besoin de temps pour se préparer? Ahhh..la cicatrice, ça doit être ça!! J'ai dû lui demander de me l'enlever de suite sans m'en rendre compte!

_Oh mais bien sûr, je comprends bien que vous ne pouvez pas faire cela là, tout de suite. C'est tout de même un acte important, c'est normal que vous ayez besoin de préparation et de repos.

Aurore remit soigneusement sa jupe en place, et saisit son sac pour y chercher de l'argent.

_ Combien voulez-vous que je vous donne pour ce soir? Nous pouvons nous revoir jeudi, c'est mon jour de congé, cela vous conviendrait-il?

Repensant soudain au but secondaire de sa visite, elle adressa encore un sourire à la jeune fille, et ajouta, pour tester sa réaction:

_ Je sais que vous êtes une magicienne puissante, et après ce que vous venez de faire, j'ai confiance en vous. Je sais que vous y arriverez.

Je connaissai ce regard, je ne le connaissai que trop bien. Un mélange de crainte et de dégoût, elle ne savait pas comment réagir, et le fait qu'elle tente de le cacher me faisait encore plus mal.
Je ne lui en voulait pas, j'aurai réagit de la même manière, c'est ma propre faiblesse qui était insupportable.
Deux choix s'offraient à elle maintenant, partir au plus vite d'ici pour ne plus jamais revenir, ou avertir les autorités qu'une perverse rôdait impunément en ville.

_Oh mais bien sûr, je comprends bien que vous ne pouvez pas faire cela là, tout de suite. C'est tout de même un acte important, c'est normal que vous ayez besoin de préparation et de repos.

Ainsi c'était la première option... Elle essayait de garder son calme, mais cela sautait aux yeux qu'il lui tardait de s'en aller.

_ Combien voulez-vous que je vous donne pour ce soir? Nous pouvons nous revoir jeudi, c'est mon jour de congé, cela vous conviendrait-il?

Mmm ? Elle voulait quand même revenir ? Oui, j'imagine qu'elle devait avoir vraiment mal, assez en tout cas pour me supporter une journée de plus.

- J'ai juste examiné votre jambe, ce serait malhonnete de vous faire payer cela. Pour mes tarifs, je n'en ai pas, c'est à vous de voir combien vous voulez bien me donner. Cela peut sembler bizarre, je sais, mais la plupart des gens ici n'ont pas le moindre sous, alors au lieu de les laisser crever faute de moyens, on s'arrange comme on peut.

A force de faire des consultations gratuites, on sera à la rue ma petite.

Techniquement, nous le sommes déjà, à moins que tu considères ce taudis comme une vraie demeure ?

Elle s'apprêta à partir, quand soudain elle eut un sourire énigmatique.

_ Je sais que vous êtes une magicienne puissante, et après ce que vous venez de faire, j'ai confiance en vous. Je sais que vous y arriverez.

Deux mètres, elle se tenait exactement à deux mètres, mon couteau se trouvait à cinquante centimètre de mon pied. Est-ce que j'aurai le temps de l'égorger avant qu'elle ne hurle ? Sûrement pas, j'allai devoir user de ma magie.
Je me parai de mon regard le plus menaçant, puis agrippai mon pendentif, prête à l'arracher d'un moment à l'autre.

- Dites-moi qui vous êtes et ce que vous me voulez, ou je jure que votre mort sera longue et très très douloureuse.

Tout s'était parfaitement déroulé jusque là, la guérisseuse avait même plus ou moins refusé d'être payée, mais Aurore commit un faux-pas juste au moment de partir. Elle sentit la tension monter d'un seul coup, et la réplique de Rêverie fut un véritable de poignard.

- Dites-moi qui vous êtes et ce que vous voulez, ou je jure que votre mort sera longue et très très douloureuse.

Aurore se figea instantanément. Elle se retourna lentement, comme face à un animal dangereux, et rapprocha sa main du pommeau de son parapluie pour pouvoir en tirer rapidement la lame. Non pas que cela la sauverait si la Possédée avait des pouvoirs aussi grands que le prétendait le Voile et qu'elle décidait de s'en servir, mais cela la rassurait. Elle fixa Rêverie du regard, débattant intérieurement de ce qu'elle allait dire et de ce qu'elle allait taire.

SI tu lui dis que tu travailles pour le Voile, même indirectement, tu peux faire tes prières. En même temps, lui mentir en lui disant que tu n'es venue que pour tes douleurs et que c'est ta cicatrice qui te dit qu'elle est puissante, n’est pas tout à fait faux. Mais pas tout à fait vrai non plus. Tu caches une grande partie de ce que tu sais, et ça pourrait poser pro-blème à l'avenir. Et puis elle ne mérite pas de se faire prendre par le Voile, pas d'après ce que j'ai vu, elle fait le bien d'elle sans presque rien demander. Suis pas si sûre d'avoir envie de dire à Mister G où la trouver. Bon, décides-toi, t'es en danger là!

Ses yeux toujours rivés à ceux de la guérisseuse, Aurore prit une grande inspiration, puis pinça les lèvres. Son ton était dur lorsqu'elle prit la parole.

- Qui je suis? Une femme qui a survécu à un horrible accident grâce à la magie, mais qui continue aussi à souffrir à cause d'elle. Rien que la cicatrice que je porte sur la poitrine en est un douloureux rappel, mais elle a aussi son utilité: elle me permet de savoir si les personnes ou les choses qui m'entourent possèdent la magie, ainsi que sa nature. Je sais ainsi que vous êtes une Possédée, et puissante de surcroît, tout comme je savais ce matin que la femme qui a failli déclencher une bagarre était une Invocatrice.

Elle fit une pause, baissant les yeux dans un instant d'hésitation, mais ne laissa pas à Rêverie le temps de réagir. Elle sentait qu'elle devait agir vite, tant qu'elle avait les cartes en main.

- Je vais être franche avec vous, même si vous me menacez d'une mort atroce. Je sais que le Voile vous recherche - Aurore leva la main pour retenir la jeune femme - mais je ne vous dénoncerai pas. Pas après ce que vous avez fait pour moi, et ce que vous semblez faire pour les plus démunis.

Aurore resta quelques instants silencieuse, puis ajouta avec un sourire réconfortant:

- La balle est dans votre camp, à vous de décider si nous sommes amies ou ennemies.

C'était un vrai pari qu'elle faisait là. Parler du Voile était extrêmement dangereux, mais elle n'était pas sûre que la Pos-sédée ne puisse pas lire en elle. Elle jouait sa vie, et se retenait à grand-peine de trembler comme une feuille. Ne jamais montrer sa peur, voilà ce qu'elle avait appris avec les animaux, et ça se vérifiait aussi le plus souvent avec les humains.

Ma réplique eut l'effet escompté, elle sembla aussi terrifiée qu'un animal acculé. Cela dit, je doutai fort que mes capacités d'intimidations soient si bonnes. En réalité, je pensai qu'elle se méfiait simplement de mes pouvoirs. Il n'y avait donc plus aucun doute, elle savait réellement qui j'étais.

Elle cache une lame sous son parapluie.

C'est pour se rassurer, elle ne pourra jamais me toucher avant que je ne la tue.

Elle resta figée pendant un long moment, se demandant sûrement quel était la décision la plus sage à prendre.

- Qui je suis? Une femme qui a survécu à un horrible accident grâce à la magie, mais qui continue aussi à souffrir à cause d'elle. Rien que la cicatrice que je porte sur la poitrine en est un douloureux rappel, mais elle a aussi son utilité: elle me permet de savoir si les personnes ou les choses qui m'entourent possèdent la magie, ainsi que sa nature. Je sais ainsi que vous êtes une Possédée, et puissante de surcroît, tout comme je savais ce matin que la femme qui a failli déclencher une bagarre était une Invocatrice.

Elle baratine, elle en sait plus que cela...

Pas besoin que tu me le dise, il n'y a qu'à voir son visage... Merde, je pensai pouvoir lui faire confiance, je le pensai réellement. J'en avais assez de vivre dans le secret, toujours à l'affut, jamais tranquille. j'avais nourri le mince espoir qu'elle puisse être cette personne auquel j'aurai pû me confesser, déballer tout ce chagrin qui me dévorait de l'intérieur, mais j'avais tort au final.

- Je vais être franche avec vous, même si vous me menacez d'une mort atroce. Je sais que le Voile vous recherche - Elle leva la main pour me retenir - mais je ne vous dénoncerai pas. Pas après ce que vous avez fait pour moi, et ce que vous semblez faire pour les plus démunis.

Mmm ? Voilà qui est surprenant.
Elle resta silencieuse un moment, puis me souria. Je connaissai ce sourire, je le connaissai pour l'avoir recherché durant une éternité. Un sourire sincère et... maternel. Elle m'offrait chaleur et tendresse là où les autres me fuyaient. Elle voulait m'aider malgré ma malédiction. Je ne m'étais pas trompée finalement, elle pouvait devenir la grande soeur que je n'ai jamais eu, une charmante grande soeur, qui n'osera jamais me trahir, qui restera pour toujours à mes côtés.
Avant même que je ne m'en rende compte, des larmes commencèrent à couler de mes joues. Je tombai à genoux et pleurait de plus belle, heureuse et soulagée.

- M-merci... Hocquettai-je entre deux sanglots.

En sentant la tension dans la pièce se dissiper, Vincent décolla sa main du sol. A l'instant même où Rêverie avait fait mine de menacer son assistante, il s'était préparé à prendre sa défense. Grâce à son pouvoir de Possédé, il lui suffisait d'une seconde pour transpercer la jeune fille d'une fourche qui jaillirait sous ses pieds. Certes, ses supérieurs préféraient grandement qu'il la capture vivante, mais si une vie était menacée, la vie de sa collègue, il était prêt à faire ce sacrifice.

Heureusement, par ses paroles, Aurore avait réussi à désamorcer la situation. Mieux encore, elle semblait avoir obtenu la confiance de Rêverie. Mais cette promesse qu'elle lui avait faite de ne pas la dénoncer... Était-ce la vérité ou un mensonge pour se sauver ? Si c'était la vérité, Vincent devrait malheureusement considérer Aurore comme une ennemie, un obstacle à l'accomplissement de sa mission. Dans tous les cas, cette situation pouvait grandement lui servir.

L'agent du Voile décida donc qu'il ne dévoilerait pas à Aurore qu'il l'avait suivi. Si demain matin, elle lui révélait sa rencontre avec Rêverie ou si, au contraire, elle la lui dissimulait, il saurait exactement quel camp elle a choisi.

"Bon sang, j'espère vraiment que tu feras le bon choix Aurore. Cette pauvre fille n'a pas eu de chance, mais on ne peut pas se permettre de la prendre en pitié. Car qu'importe ce qu'elle fait, qu'importe si c'est une victime : son existence même menace des vies."

Il resta encore quelques instants pour s'assurer que son assistante ne risquait vraiment rien, se tenant prêt à déguerpir.

Mince alors, je m’attendais à tout sauf à ça ! Je fais quoi moi maintenant ?
Complètement déstabilisée, la jeune femme resta quelques instants sans réagir. Elle s’attendait vraiment à toutes les réactions possibles suite à sa déclaration, mais certainement pas à des sanglots. Et en plus, elle n’avait jamais été très douée pour consoler. En fait, jamais très douée concernant les rapports avec les autres êtres humains en général. Elle avait un caractère bien trop entier et la réplique bien trop acerbe pour réussir à se lier d’amitié avec des jeunes filles de son âge, et ses années de convalescence l’avaient encore plus coupée du cercle de ses connaissances. Elle était bien plus douée avec les animaux, cela relevait même d’un véritable don.

Secouant doucement la tête de gauche à droite, comme pour s’éclaircir les idées, Aurore laissa tomber son fidèle parapluie au sol, et s’approcha d Rêverie. Elle hésita encore un instant, se sentant maladroite, puis s’agenouilla pour prendre la guérisseuse dans ses bras. Elle commença à la bercer doucement tout en lui murmurant des paroles apaisantes tout en lui caressant les cheveux.

_ Chut…là… tout va bien…calme….calme-toi…sshhh…allez, il ne faut plus pleurer, tout va bien…

Elle passa de longues minutes ainsi, réconfortant la jeune femme, mais pleinement consciente du danger qu’elle courrait encore. La douleur de sa cicatrice le lui rappelait à chaque battement de cœur. Une part de son esprit était concentrée sur sa tâche actuelle, réconforter la jeune femme, mais l’autre tournait à toute vitesse, telle une machine à vapeur, se demandant comment elle allait pouvoir tenir sa promesse sans se trahir auprès de son patron. Ça allait lui demander de sacrément jongler avec les faits.

Pour l’instant, Rêverie semblait se calmer, et après un petit baiser sur son front qu’elle donna sans y penser, Aurore reprit la parole d’une voix basse :

_ ça va mieux ? tenez, je vais vous aider à vous relever, laissez-moi vous aider.

ET voilà, maintenant que la crise était passée, elle ne savait plus que faire et se sentait à nouveau empotée et ridicule. Elle ne savait pas quoi faire de ses mains, et craignait que si elle ramassait son parapluie, la jeune femme le prenne mal. Or son intérêt était d’en apprendre le plus possible afin de gérer au mieux la situation.

On me consolait, j'en rêvai depuis une éternité, sans jamais espérer que cela puisse arriver un jour.
J'étais dans les bras de quelqu'un d'autre, et cette personne ne montrait pas le moindre signe d'agonie. Cela voulait dire que je commençait à bien maîtriser Mort, l'opération était réellement envisageable.

Elle se mit à me border gauchement, cela se voyait qu'elle n'en avait pas l'habitude de ce genre de situations. Tant mieux, on était deux.
Elle me baisa sur le front puis m'aida à me relever. Je séchai mes larmes et me mit à sourire, c'était étrange, j'avais presque oublié comment c'était bien d'être heureux.
Elle sembla perdue, embarassée ? C'est vrai que la situation de tout à l'heure pouvait mettre mal à l'aise, j'essayai de la rassurer à mon tour.

- Je me sens mieux, merci du fond du coeur, vraiment. Je ne vous décevrai pas jeudi.


[ Hors RP : et là tu t'en va et c'est bon. Fais ton RP avec Vincent Pot-de-colle et crée un nouveau fil pour la suite]