[4 avril 1873] Foire de Montmartre

Matiana se promenait entre les étals, subjuguée. Sa curiosité l'avait poussée à faire les frais du tramway pour se rendre jusqu'à la Foire bisannuelle de Montmatre, où on lui avait dit qu'on voyait de tout. Et elle n'avait pas été déçue. En descendant du tramway, elle avait été très impressionnée par sa taille : à l'écart de la ville, tes tentes étaient plantées en pleins champs, au pied des moulins. Ils devaient être des milliers, ces stands, avec leurs marchands qui hurlaient pour vanter les mérites de leurs inventions et leurs produits. Au-dessus de la Foire avait été affrété un zeppelin immense, rouge carmin, avec les lettres "Grande Foire de Montmartre" inscrites dessus. Mattie avait beau venir de la rue, sa mère avait eu le temps de lui apprendre le secret des lettres et des chiffres avant de partir.
Matiana avait vu des inventions plus folles les unes que les autres : un homme qui pédalait avec vigueur sur ce qui ressemblait à un vélo mais de roulait pas, tout ça pour faire luire une petite boule devant lui ; un autre qui appelait les challands pour leur vendre son "élixir de jeunesse"... Matiana riait bien parfois, depuis trois heures qu'elle arpentait les allées de la Foire.
Il y avait là le tout-Paris : des saltimbanques, comme elle, qui attendaient le moment propice pour voler la bourse des bourgeois qui venaient chercher le dernier luxe (sa bourse à elle était précieusement cachée dans son corset), des ouvriers, des fermiers, des femmes, des mômes qui couraient partout en jouant au loup... Mattie s'était jurée, en partant de la "maison", de venir aussi pour exercer son art, au moins histoire de rembourser le trajet. Mais elle avait bien vite oublié cette résolution, éblouie par tout ce qu'elle voyait.
Amusée, elle se retourna pour quitter du regard un homme qui éduquait des souris à l'aide de bouts de fromage... Et percuta de plein fouet la personne qui se trouvait derrière elle. Elle sursauta et répara la faute, consciente de l'aversion parfois grande des Parisiens pour les "petites gens" :

"Oh ! Je suis navrée, je vous prie de m'excuser !"

"Il n'y a pas de soucis, je ne regardais pas vraiment où j'allais de toute manière."

Je retiens de justesse un grand soupir de soulagement. Avec n'importe lequel des autres passants, j'aurais probablement écopé d'un regard noir ou d'une insulte. Voire d'un sermon de plusieurs minutes. J'ai déjà eu l'occasion traverser des grandes villes, mais rarement leurs habitants m'ont paru si froids que les parisiens. Même les anglais, qui ne sont pourtant pas un modèle de chaleur humaine, savent au moins se montrer polis. En tout cas, ça m'apprendra à marcher à côté de mon cheval plutôt que de le laisser me tirer avec la roulotte.
Je profite d'être arrêté pour regarder un peu autour de moi. J'ai entendu parlé de la foire hier, et je suis venu dans l'espoir de vendre un peu plus que d'habitude - et surtout, avec l'intention de trouver de nouvelles idées, ou à défaut, de nouvelles pistes de recherche d'un autre inventeur compétent. Mais il y a tellement de choses à voir ici que je ne fais même plus attention. Je me sens tout petit avec mes quelques babioles faites mains. Un peu dégoûté, aussi. J'aimerais pouvoir parler à tous ces gens, leur demander conseil, ou simplement discuter et partager nos idées, je suis sûr que j'en tirerais quelques idées. Mais depuis trois jours que je suis à Paris, mon courage a quelque peu fondu. Les gens ici que j'ai déjà rencontré débordent d'orgueil et n'aiment que le son de leur propre voix. Ou bien ils refusent ne serait-ce que la présence d'un voyageur - pardon, d'un vagabond tel que moi dans leur précieux entourage. Je n'ai rien appris depuis mon arrivée, si c'est qu'il est inutile de converser avec ceux que qui se font appeler "grands inventeurs".
Je soupire sans retenue, cette fois. Je ferais aussi bien de m'installer quelque part si je veux espérer vendre quelque chose aujourd'hui. Il y a justement un peu de place entre un charlatan qui vend ses philtres d'amour ou je ne sais quoi, et un homme qui présentait un appareil appelé "téléphone". J'avais déjà entendu parlé de cette invention, mais n'en avais jamais vu un de mes propres yeux. Je compte bien en profiter pour jeter un oeil.
Je salue la demoiselle que j'ai percuté, puis je tire Vän et la roulotte dans l'emplacement libre. Il ne nous faut pas longtemps pour nous installer.

"A vendre ! Babioles magiques et non-magiques en tout genre ! Vêtements, sacs, lanternes, lunettes teintées et bien d'autres choses ! Je fais aussi les réparations !"

J'espère que ça suffira à attirer quelques clients, mais tout le monde autour crie plus fort que moi. La journée commence bien.

Matiana reconnaît l'accent d'un homme étranger lorsque sa rencontre pour le moins percutante lui répond. Elle n'a pas le temps de le retenir que déjà ils s'éloigne avec charrette et cheval. Intriguée par le bric et le broc qu'il transporte, Matiana le suivit jusqu'à un espace auquel l'homme commençait déjà à s'installer. Elle observa les objets qu'il déballait, lorsque ses yeux tombèrent sur un bracelet de bois.

- Je, heu... Excusez-moi, c'est encore moi. Vous vendez ce bracelet ?

Mattie, tu n'as pas les moyens ! Arrête ça de suite !

Mais tandis que sa conscience lui hurlait de ne pas dépenser ses précieuses pièces, elle sourit de toutes ses dents au marchand.

[Hors RP] Je reviens vers 21h30 ! Désolée ![/HRP]

Je cherche un moment des yeux le bracelet qu'elle me montre, puis je finis par comprendre. Je me concentre un peu, finis par le trouver et l'attrape.

"Ah, ce bracelet-là. Tu as l'oeil. Il est à vendre, bien sûr, mais il a un petit défaut. Enfin, ce n'est sans doute pas un défaut pour tout le monde, mais disons qu'il n'a pas les propriétés escomptées. Lorsque je l'ai fabriqué, c'était dans l'idée de faire un bijou qui attire l'oeil plus facilement. Un charme, en quelque sorte, qui aiderait son porteur à être un peu plus remarqué que les autres. Malheureusement, ça n'a pas fonctionné comme je le souhaitais, et il a un effet un peu inverse. Il passe aisément inaperçu, ainsi que son porteur. Quand quelqu'un le met, il est à peu près sûr que personne ne fera attention à lui, à part s'il se met à faire de grand geste ou si quelqu'un le cherche spécifiquement. Il ne résiste pas non plus aux personnes un peu attentives comme toi."

Il a un deuxième défaut, un peu plus embêtant, mais j'hésite à le révéler. Finalement, comme la jeune femme me paraît sympathique, je décide d'être honnête. J'espère tout de même que ça ne m'arrivera pas trop souvent. Honnêteté et marchandage, ça ne fait pas bon ménage.

"Par contre, je dois te prévenir que si tu le portes trop longtemps ou trop souvent, il risque de déteindre sur toi. J'ai eu un mal fou à trouver mon bâton de marche, sur lequel je l'avais testé, plusieurs jours après l'avoir enlevé."

Rapidement, tout en parlant, je réfléchis à un prix.

"Cela dit, ça reste un joli bracelet en pin qui peut toujours servir quand on veut se sortir d'une situation épineuse. J'ai moi même échappé à une bagarre ou deux grâce à lui. Si il t'intéresse toujours, je peux te le vendre pour deux francs ?"

L'espoir fait vivre.

D'abord intriguée Matiana écoute attentivement les paroles du marchand. Elle, de par son teint différent des autres, passe rarement inaperçue. Elle, avec son don particulier, qui finalement est connue par beaucoup de monde à Paris. Elle enfin, qui se met en valeur avec des vêtements colorés et des bijoux bruyants. Oui, un bracelet pour passer inaperçue, ça pourrait être royal... Pour monter dans le tramway sans payer par exemple ! Quant au deuxième inconvénient, elle ne se fait pas trop de bile, elle compte transporter le bracelet dans une bourse attachée à sa jupe. Ainsi, pas de risque !
Un sourire se dessine sur ses lèvres, qui s'efface aussitôt. Un bracelet magique... Même raté, un sort est un sort et ça coûte cher...
Lorsque le marchand annonce le prix, Matiana manque de s'étouffer. Deux francs... Deux francs ! Elle qui peine à arrondir ses journées à quatre francs, et qui paye un loyer d'un demi-franc par jour !
Son visage se décompose. Et puis, elle se fait une raison. Elle avait choisi le bracelet car elle le trouvait joli, après tout ; elle n'a jamais cherché un bracelet magique. La magie lui cause d'ailleurs assez de soucis comme ça.

Et si tu marchandais... Autrement ?

Matiana sort sa bourse et compte ses pièces, qu'elle tend au marchand.

"Dites... Je n'ai là que deux francs, et je dois encore payer mon voyage de retour. Je vous propose un marché. Je vous prend le bracelet contre un franc et demi... Et la lecture de vos lignes de main."

Au fond d'elle-même, Mattie connaît déjà la réponse du marchand. Quand bien même elle a beaucoup de clients, elle sait très bien comment réagissent la plupart des gens face à son art...

Un franc et demi pour un objet raté ! C'est une chance inespérée, je pensais vraiment qu'elle descendrait plus bas. Je pourrais vivre une semaine avec ça. Cela dit, si vraiment elle n'a que deux francs en tout et pour tout... Non, je ne peux pas toujours jouer au bon samaritain. Je suis un marchand, je dois penser à moi, sinon je me ferai avoir par tous mes clients. Mais quand même...
Et cette histoire de divination m'intrigue vraiment. Je n'ai jamais rencontré de voyante. Il y en a très peu en Suède, et elles sont toutes au service du roi. Et je n'en ai jamais croisé durant mes voyages. On dit pourtant que depuis l'arrivée de la magie, elles sont de plus en plus nombreuses - surtout dans le sud, probablement. Mais on dit aussi qu'il y a beaucoup de charlatans qui en profitent. Je me concentre un instant sur le visage de la jeune femme - j'essaye de voir la magie en elle, de la reconnaître. Tout le monde, même ceux qui ne s'en servent pas, porte des particules magique ; mais il arrive que chez ceux qui s'en servent souvent, elles se regroupent et forment un dessin spécifique en fonction des talents du mage.
C'est peine perdue, cependant, car je n'ai jamais appris à reconnaître les voyantes. Je soupire.

"Tu sais quoi, je ne voudrais pas te ruiner pour un bracelet que tu ne pourras même pas porter. Il est à toi pour un franc seulement. Mais rappelle-toi : les effets secondaires peuvent être vraiment embêtants, et ils arrivent plus vite qu'on ne le pense. Fais attention quand tu le mets."

Et voilà. J'ai vraiment un coeur d'artichaut. Promis, pour le prochain client, je serai un peu plus intransigeant.

"Et pour la divination, comment est-ce que ça se passe ? J'aimerais tenter ma chance."

Matiana sait qu'il va l'envoyer bouler. Pour la plupart des gens, la divination c'est du charlatanisme. Il va l'envoyer sur les roses, ranger son bracelet, et la prier d'aller voir ailleurs.
Alors, quand elle finit par comprendre que l'homme accepte, et pour moins cher encore que son prix de base, son coeur bondit. Elle n'a pas l'habitude de proposer la divination, d'habitude elle attend que les personnes viennent la voir, alors elle est un peu chamboulée.

- Euh... Un edroit un peu à part ne serait pas de refus...

Elle avise la toile de tente du marchand voisin, et tire l'étranger par la main. Ils se retrouvent entre le chariot et la toile, à l'abri de la majeure partie des regards indiscrets.

- Il n'y a rien de compliqué... Tendez-moi juste vos mains.

En les examinant, Matiana respire : l'homme ne l'a pas escroquée. La ligne de magie, apparue chez tous ceux qui recueillent des particules en leur sein, est bien là.
Elle lève les yeux vers l'homme, qui la regarde d'un air intrigué.

- Vous savez... Vous avez de très belles mains. Usées, creusées, des mains de travailleur. Vous savez quoi ? Je déteste lire les lignes des riches. Ils ont des mains lisses, un avenir tout tracé : il n'y a rien à y lire. Alors que là... Chacun de ses creux, chacune de ses bosses est pour moi ce que serait pour vous la ligne d'un livre.

Elle n'a pas l'habitude non plus de flatter ses clients, et elle a rarement été aussi directe. Mais comme l'homme n'a vraiment pas l'air de connaitre quoi que ce soit à son art, elle s'est permis de lui dévoiler une petite part de son quotidien.
Sitôt qu'elle lui a pris les mains, les images ont afflué dans son esprit, occultant le monde autour d'elle. Comme toujours, elle peine à rester debout mais tient à avoir des visions parfaites pour cette fois.

- La magie est bien là, en vous. Vous voyez cette ligne, qui relie vos deux paumes ? Elle est longue et profonde chez vous, c'est que les particules vous sont utiles - et le seront longtemps.
Vous concernant vous. Il y a des voyages. Beaucoup de voyages, depuis que vous êtes bébé. Une très bonne éducation, mais l'un de vos parents est très effacé... Pas de frère ni de soeur ; et pas de foyer avant très longtemps. L'argent ne vous est pas indifférent, mais vous n'y apportez pas une si grande importance : du moment qu'il vous fait vivre, n'est-ce pas ? De l'amour... Peu ; je vois une histoire future, assez courte malheureusement, mais ce sera une histoire importante pour vous - mais pas maintenant non plus. Une femme et des enfants... Je crois que ce n'est pas ce à quoi vous vous intéressiez en acceptant notre marché, n'est-ce pas ? lui dit-elle avec un sourire. Il y a beaucoup de rencontres à venir, dans les prochaines semaines, et un confort de vie qui vous satisfera. Pour les mois à venir, je ne peux que vous mettre en garde contre un accident qui vous menace.
Voilà... Je ne peux pas vous en dire trop non plus - les hommes ont tendance à vouloir tout savoir, pour après tout vouloir changer. Finalement, le futur les rattrape toujours...
Avez-vous une question à poser ? Un détail plus précis de votre vie que vous souhaiteriez préciser ?

Mattie est sortie peu à peu de sa transe, et lève les yeux vers son interlocuteur.

Une vraie voyante... J'imagine que ma vie de voyage et ma relation à l'argent, ce n'est pas très difficile à deviner. Mais je ne vois pas comment elle peut savoir pour mon père.

"Un accident, une histoire, des rencontres... Ce n'est pas très précis. Cela dit, merci de m'avoir mis en garde. Pour la question..."

Je réfléchis. Il vaut mieux que je saisisse l'occasion tant qu'elle se présente. Mais quoi demander ? Si je peux trouver quelqu'un pour m'aider à forger une lame qui tranche la magie ? Je doute qu'elle puisse me répondre, je ne sais même pas si de tels objets existent déjà. Lui demander des précisions sur cette histoire d'accident ? Mais mes voyages m'ont appris à aimer l'inattendu, et même d'un accident peut naître une situation favorable. C'est idiot, mais je préfère garder la surprise quant à ce genre de chose.
Finalement, c'est la première personne aimable que je rencontre dans cette ville. Je devrais peut-être en profiter pour lui demander des indications ?

"A vrai dire, j'ai bien des questions, mais aucune ne concerne vraiment la divination. Je viens juste d'arriver en ville et je suis un peu perdu. Je peux dormir dans ma roulotte, mais j'ai bien vu que les gens d'ici me regarde bizarrement. Est-ce que tu sais où je pourrais m'installer quelques temps, avec mon cheval et mes affaires ? Sinon, je cherche des gens qui pratiquent mon art et enchantent des objets afin de partager mes connaissances avec eux et d'apprendre de nouvelles choses, mais depuis que je suis ici, je me fais sans cesse renvoyer. Est-ce que tu sais à qui je pourrais m'adresser ?"

Quand même, l'occasion ne se reproduira pas tous les jours, il faudrait que je trouve une vraie question à lui poser avant qu'elle s'en aille, mais quoi ? Réfléchis, Kjell, réfléchis vite...

Elle regarde cette homme qui semble réfléchir avec intensité. D'habitude, les questions fusent, et elle a du mal à les retenir pour qu'ils n'en posent qu'une. Mais là, rien. Peut-être n'est-il pas très curieux après tout. Ah, si, voilà. Il a de la chance d'être tombé sur quelqu'un qui connaît si bien Paris !

- Concernant les artisans, il y en a un peu partout. Mais il y a un quartier très solidaire et très présent au nord du faubourg Saint-Antoine.

Mattie, réveille-toi bon sang ! Tu lui parles un langage inconnu, là !

- C'est, heu... bafouille-t-elle en voyant son air perdu, c'est à l'est de Paris, non loin de l'Ile de la Cité. Je pense qu'un artisan du bois pourra vous loger et/ou vous embaucher sans trop de problèmes, si vos objets sont de bonne qualité.

Matiana sourit et tend la main, qui contient une pièce d'un franc. Finalement, la journée n'aura pas du tout été rentable, mais tant pis : elle y aura gagné un objet magique, dont elle sentait qu'il allait devenir important.

- Concernant le bracelet... Si je le porte dans une bourse accrochée à ma ceinture, ça irait ? Comme ladite bourse me cogne les jambes quand je marche, je ne risque pas de l'oublier...


[HRP]Le faubourg Saint Antoine va de Bastille à Nation[/ HRP]

... Mais ce n'était point le cas.

Boom.

Je me retrouvais tout d'un coup sous quatre-vingts bons kilos de muscles, mais pires que le poids et la position peu flatteuse, c'était l'odeur qui m'importunait le plus en cet instant là. Un torrent de sueur masculine dégoulinait de ses vêtements sales, soit l'homme était un nerveux de nature, soit il nourrissait une allergie au savon. Dans tous les cas, cela empestait tellement que je faillis m'évanouir.

C'est alors que je sentis une de ses mains m'agripper le sein droit. Ainsi on était pervers en plus d'être crasseux ? Ah... devais-je l'émasculer en public ou juste enlever mon collier et tuer tout ce qui se trouvait à un kilomètre à la ronde ?

Non, calmons-nous Rêverie, pas d'idées noires encore une fois. Je me relevais et plongeais mon regard dans celui de l'homme, un ouvrier grand, jeune et musclé. Sale surtout.

- Je... euh...

C'est bien toi ça, pour insulter les gens intérieurement t'es la reine, mais dès qu'il s'agit de dire ce que tu penses, plus personne au comptoir.

- Euh...

Alors ? Qu'est-ce que t'attends pour lui enfoncer cette seringue là où je pense ? Non, mieux, délivre-moi, ça fait une éternité que je n'ai plus tué quelqu'un, allez !

- D-désolé ! M'exclamais-je à l'intention de l'homme tout en abaissant la tête d'un geste brusque, trop brusque sans doute, car j'en perdis l'équilibre et me sentais tomber en avant... jusqu'à ce qu'il me rattrape in extremis.

Décidément, ma mauvaise fortune n'allait jamais me quitter, à croire que naitre un vendredi treize était réellement signe de malchance. Bref, complètement noyée de honte désormais, je levais des yeux de chien battu vers l'ouvrier. Les premières larmes pointaient le bout de leur nez.

Matiana tendait l'argent au vendeur et récupérait son bracelet, lorsque plusieurs choses se produisirent. Tout d'abord, les yeux de son interlocuteur se dirigèrent derrière elle, signe que quelque chose se déroulait près de sa carriole. Deuxièmement, elle commença à sentir un grand nombre dans son dos, et une certaine agitation. Et enfin, lorsque des exclamations fusèrent, elle se douta que ce qui devait arriver était arrivé : une altercation. Elle attrapa le bracelet que lui tendait le marchand et le rangea immédiatement dans la sacoche, avant de se retourner vers le bruit.
La scène était épouvantable. Un homme, un ouvrier d'après ses vêtements, venait de percuter de plein fouet une femme qui se tenait devant l'échoppe, et il avait sa main...

Sur ses... Sur sa...

Matiana se déplaça de côté, surveillant la scène, prête à intervenir si besoin était.

Quelques mètres plus loin dans la foire, Vincent vagabondait dans les allées tout en distribuant les tracts de l'entreprise Taillandier. Il avait confié la distribution des prospectus de l'agence à Aurore. En effet, une femme attirerait certainement plus la foule qu'un petit gringalet comme lui. Et surtout, si un client venait à se présenter spontanément, elle serait la plus à même d'entamer les négociations avec lui. De son côté, le travail pour son client ne réclamait pas beaucoup plus qu'un cri pour capter l'attention des badauds et un gentil sourire au moment de la remise de la publicité. Cela lui laissait même le temps de flâner à la recherche d'une machine capable d'aider Aurore dans son travail. Il ne disposait pas de beaucoup d'argent sur lui mais espérait malgré tout trouver son bonheur, plus un petit quelque chose d'un peu moins "professionnel".

Euh... Attends ! Le problème c'est que je ne sais toujours rien d'elle !!! Je n'ai aucune idée de ce qui pourrait lui faire plaisir !

Tandis qu'il parcourait les stands remplis d'objets en tout genre, Vincent se demanda sérieusement si il serait capable de tenir sa promesse

[HRP : Vincent n'est pas très actif là, il est plus en mode "attente". Ceci dit, si vous souhaitez l'intégrer dans un RP, n'hésitez pas ]

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Luciole dansait presque sur place tant elle était pressée. Elle s'exclama d'un ton pressant :
« Allez Léon, dépêche-toi ! La foire est commencée depuis deux heures ! »
Léon, devant la porte, terminait tout juste de mettre ses chaussures. Il se redressa et lui adressa un regard amusé, levant un sourcil :
« Calme-toi, c'est juste la foire de Montmartre, elle est à deux pas, on y va à chaque fois, et elle n'est pas près de se finir de toute façon...
Mais oui ! Allez, on y va ! »
« Bonne journée, Luciole ! Tu me raconteras comment c'était ? fit Anita.
Bien sûr ! Et je te ramènerai quelque chose ! »
Elle sourit et serra la petite dans ses bras.
« Ben alors, Lulu, tu ne te dépêches plus ? demanda Léon d'un ton narquois,
Si ! Allez, on y va ! »
Ils parvinrent rapidement en vue de la foire.
« On se retrouve plus tard ?
Pas de problème, bonne journée ! »
Luciole regarda la frêle silhouette de son frère s'éloigner. Malgré sa petite taille, son crâne chauve sur lequel courait une ligne d'écailles rouges le sortait à coup sûr du lot. Elle se mit à flâner parmi la foule, lorgnant sur les sucreries et admirant les objets magiques vendus en grand nombre. Avec la magie qui se développait, ils étaient de plus en plus impressionnants. En quelques minutes, elle croisa et salua une demi-douzaines de connaissances. La plupart du temps, c'était eux qui la voyaient et venaient vers elle, et non l'inverse. Elle n'était presque plus consciente du fait que les gens la remarquaient facilement. Cédant à la tentation, Luciole ne tarda pas à user d'une piécette pour s'acheter une friandise, qu'elle dégusta en continuant son tour.
« Agence Taillandier ! L'entreprise qui vous satisfait à coup sûr! Demandez le prospectus ! »
Cette voix lui disait fortement quelque chose. Elle s'avança vers le crieur, et reconnut Vincent Genévrier, pour qui elle avait parfois travaillé.
« Bonjour, lança-t-elle
Bonjour ! »
Sans attendre, il lui tendit un prospectus.

Toujours perdu dans ses pensées et angoissé à l'idée de ne pas pouvoir trouver un cadeau digne de ce nom à son assistante, Vincent avait donné machinalement le prospectus de l’entreprise Taillandier à une jeune fille sans vraiment la regarder. Il lui fallut encore quelques pas avant de réaliser qu’il la connaissait très bien. Il se retourna brusquement et revint rapidement sur ses pas.

- Hé Luciole ! Désolé ! J’étais un peu… dans la lune… enfin bref ! Ca va ?! Au fait, encore merci pour le tuyau de la semaine dernière !

Le mardi précédent, Luciole avait en effet décroché un petit boulot dans la partie Nord de Paris où Vincent officiait très rarement. Il s’agissait d’aider un couple à changer de foyer pour préparer l’arrivée de leur troisième enfant. Les Claise avaient jugé leur maison précédente bien trop petite et, les moyens du chef de famille ayant augmenté ces derniers mois, ils en avaient profité pour rejoindre le centre ville de Paris. Luciole, grâce à son réseau un peu plus développé mais surtout très différent de celui de Vincent, avaient décroché le job. Néanmoins, ayant besoin d’autres bras, elle en avait aussi profité pour recommander Vincent, en échange d’une part un peu plus importante de son salaire. Le couple s’était montré perplexe en voyant ce poids plume arriver, mais l’homme à tout faire avait l’habitude. L’effet de surprise n’en était que plus grand pour les clients qui sous-estimaient la puissance musculaire cachée dans ses petits biceps.

- Le déménagement de la famille Claise était costaud mais tu avais raison, ils sont généreux !

C’est alors que Vincent se rendit compte qu’il avait peut-être énormément de chance aujourd’hui. Il tombait sur Luciole, la personne qui devait sans doute connaître tous les stands de la Foire. Peut-être qu’elle pourrait l’aider sur le deuxième cadeau d’Aurore.

- D’ailleurs, pourrais-je encore bénéficier de ton efficacité ? J’aurai besoin de tes services. Je rémunèrerai bien sûr ! Tu vois, je souhaiterai offrir un petit cadeau à mon assistante pour la remercier de son travail. Elle veut une machine pour l’aider à écrire mais ça, c’est encore quelque chose pour le boulot ! J’aimerai bien lui donner aussi quelque chose d’un peu plus personnel. Pas trop cher non plus, je dois faire attention en ce moment. Et je suis même presque sûr qu’elle me réprimanderait sévèrement pour avoir dépensé trop d’argent. Ca t’intéresserait ?

"Merci pour les renseignements, ça me libère d'un poids ! Pour le bracelet, ça devrait aller tant que vous ne le portez pas sur vous. Et, heu... à propos de cette fameuse question..."

J'avais enfin trouvé quoi demander lorsque tout le raffut devant mon étal s'est déclenché. Un homme assez costaud s'est écroulé sur la jeune femme plutôt frêle qui regardait mes outils depuis quelques minutes. Skit ! On ne peut vraiment pas dire que ce soit mon jour de chance.
Je laisse la voyante récupérer son bracelet et m'approche de la scène. Ce que je découvre me laisse bouche bée. Il la pelote. Et c'est elle qui s'en excuse. Décidément, les parisiens sont encore plus bizarre qu'il ne paraît. Et le manque de politesse semble habiter toutes les classes sociales.
Elle chancelle, il la rattrape. Au moins, il n'est pas totalement sans coeur. Peut-être que c'était juste un accident - après tout, je n'ai rien vu de la scène, je ne peux pas juger.
Il n'empêche qu'ils attirent les regards, et je n'aime pas l'expression que les passants jettent à la scène. Il ne manquerait plus qu'ils associent mon étal aux termes "accident", "agitation" et "mal famé". Je tape sur l'épaule de l'homme pour le faire se retourner.

"Excuse-moi, si tu n'es pas là pour acheter, est-ce que tu peux laisser cette jeune femme tranquille et t'éloigner un peu ? Tu fais fuir mes clients."

A l'instant où je les prononce, je regrette ces paroles. Il fait une bonne tête et demi de plus que moi, et s'il lui prend l'envie de me frapper, je ne donne pas cher de ma peau. Mais il suffit de peu pour ruiner une réputation dans une grande ville, et en tant qu'étranger vagabond, je pars déjà mal.

"Ecoute, je suis sûr que tu comprends, je dois gagner mon pain moi aussi."

Moire contourna soigneusement une flaque de boue et continua de se frayer un chemin à travers la foule du marché. Avec peine, elle réprimait des grimaces de dégoût : poussière, saleté, personnes à l'hygiène douteuse, le tout se mêlant dans un capharnaüm de tous les diables... C'était insupportable. Une personne la bouscula, et Von Moltke, tapis dans ses bras, poussa un léger grognement, sans pour autant sortir de son sommeil.

Moire poussa un soupir. Créer un familier juste après l'obtention de son diplome n'avait pas été une très bonne idée : manquant d'experience, elle l'avait totalement raté. Certes, il la protégeait, mais elle avait plus l'impression de traîner un gros chat difforme qu'un félin souple et protecteur... Dans son dos, une voix de femme criait, distribution des prospectus pour une agence d'homme à tout faire. L'ignorant royalement, Moire avança d'encore quelques stands avant d'arriver devant une sorte de brocante, devant laquelle une vieille femme vendait d'énormes livres rapiécés. Dans un coin gisait une antique machine à écrire, poussiéreuse et à laquelle manquaient deux ou trois touches. Moire laissa une main parcourir vaguement la surface de cuir des grimoires, à la recherche d'un léger fourmillement. Sous ses doigts, elle sentit soudainement la gravure d'un pentacle.

"Combien pour celui-ci ?"

La vieille vendeuse marmonna un prix et Moire lui tendit les quelques pièces. Après quoi elle déposa Von Moltke au sol, malgré les grognements du démon, ramassa ce qu'elle avait reconnu comme un grimoire, et ils continuèrent leur route. Elle s'arrêta à nouveau devant une roulotte qui présentait de curieux instruments. Toutefois ce n'était pas les marchandises qui l'avaient attirée : une rixe agitée semblait avoir éclaté, et au milieu des protagonistes, elle reconnut Matiana, la bohémienne qu'elle hébergeait (même si la jeune femme s'obstinait à lui refourguer un franc crasseux par jour), mais aussi son frère (qu'elle n'avait pas apperçu depuis plusieurs mois) qui se faisait appostropher par le jeune vendeur.
Curieuse, elle s'approcha un peu plus jusqu'à saisir leurs paroles, et un sourire moqueur étira ses lèvres :

"Excuse-moi, si tu n'es pas là pour acheter, est-ce que tu peux laisser cette jeune femme tranquille et t'éloigner un peu ? Tu fais fuir mes clients."

Un silence s'était installé. Le voyageur repris, au plus grand plaisir de Moire :

"Ecoute, je suis sûr que tu comprends, je dois gagner mon pain moi aussi."

Elle se décida alors à intervenir :

"De toute évidence, Balth', tu as toujours autant de mal avec les bonnes manières..." déclara-t-elle d'une voix traînante. "Je m'étonne que tu ais réussi à sortir aussi loin de chez toi sans te faire arrêter."

Puis, s'adressant à la fois au marchand et à la jeune fille que Balthazard semblait importuner, un sourire faux aux lèvres.

"Je suis Moire Delarche, la soeur de ce malotru. Excusez sa conduite, il a toujours eu beaucoup de mal à bien se tenir."


[hrp] Ne la tapez pas, s'il vous plait. C'est pas sa faute, elle a été créée comme ça. [/hrp]

Durant tout l'échange qui s'était déroulé devant ses yeux, Matiana avait noté avec angoisse que du monde commençait à s’agglutiner autour du stand. Et, à Paris : monde = troubles = police. Ce bon marchand ne méritait pas cela. D'après ce qu'elle avait compris, il venait d'arriver, et un séjour dans les prisons de la capitale n'était pas la meilleure des façons de commencer son séjour.
Elle s'avança vers l'allée et allait parler, lorsqu'une voix qu'elle connaissait bien s'exprima.

"De toute évidence, Balth', tu as toujours autant de mal avec les bonnes manières... Je m'étonne que tu ais réussi à sortir aussi loin de chez toi sans te faire arrêter. Je suis Moire Delarche, la sœur de ce malotru. Excusez sa conduite, il a toujours eu beaucoup de mal à bien se tenir."

Moire ! Au fond d'elle, Mattie fut (un peu) soulagée. Malgré le caractère parfois... Étonnant de sa logeuse, elle restait une personne bien élevée, et dont le caractère pouvait se révéler utile pour démêler les situations... Eh bien, comme celle-ci par exemple.

"Moire ! Je suis bien heureuse de vous voir. C'est vraiment votre frère ? Vous ne vous ressemblez pas vraiment... Mais, si c'est le cas, pourriez-vous vous arranger avec lui pour qu'il cesse ce vacarme ?"

Matiana n'aimait pas trop prendre ainsi parti d'une scène à laquelle elle avait seulement assisté. Mais le marchand avait été si bon avec elle qu'elle ne voulait pas qu'il lui arrive quoi que ce soit.

Aurore s'était enfoncée dans la foule avant de commencer à distribuer les prospectus pour l'agence. Sa cicatrice la lancinait sourdement à cause de toute la magie qui l'entourait, mais la douleur restait largement supportable. Rien d'anormal, en somme, surtout dans une foire regorgeant de magiciens en tous genres et d'objets magiques.

_ Agence Genevrier, tout ce dont vous rêvez! Vous avez perdu votre chien, nous le trouvons! Vous avez besoin d'aide pour déménager, nous vous la trouvons! Petits prix assurés, il n'y a qu'à demander!


Pfff...vraiment pas terrible comme annonce, mais la réclame n'avait jamais été son truc. Au moins réussissait-elle à refourguer quelques tracts, et elle notait avec plaisir que la plupart des gens les gardaient au lieu de les jeter. L'idée de Mister G. N'était finalement peut-être pas si mauvaise que cela, si ça leur ramenait des clients payants. Elle en profitait pour observer les stands autour d'elle, l'œil aux aguets, pour repérer un objet qui pourrait lui être utile. Un miroir un peu original pour le bureau de l'agence (vous avez déjà essayé d'épingler un chapeau sur votre tête sans miroir?), ou alors cette machine à écrire dont elle rêvait tant. Tiens, en parlant de machine à écrire, il y en avait justement une juste là, en pas très bon état, mais bon, les finances de l'agence non plus n'étaient pas en très bon état.

_ Bonjour madame! Combien pour la machine à écrire?
_ Deux francs.
_ Deux francs? Mais il lui manque des touches, et c'est une antiquité même pas enchantée! Non, non, je vous en donne un franc, pas plus!
_ Non, c'est deux francs.
_ Et bien alors, au revoir madame!

La jeune femme se détourna avec raideur, et reprit son chemin en distribuant à nouveau ses prospectus.

_ Agence Genevrier, agence à tout faire, à la portée de toutes les bourses!

Tiens, il y avait bien de l'agitation et du monde devant cette roulotte, comme si une bagarre était sur le point de se déclencher. Par pitié, pensa-t-elle, faites que ce ne soit pas encore une mauvaise blague du patron qui ait dégénéré!. Elle s'approcha de la roulotte, tentant de discerner si son employeur était à l'origine de l'attroupement, mais à son grand soulagement, cela ne semblait pas être le cas. Et la situation semblait être sur le point d'être résolue. Continuant son chemin, elle s'arrêta brusquement, pâle comme un linge. Sa cicatrice la faisait soudainement fort souffrir, c'était comme un coup de poignard. Elle prit une grande inspiration, et regarda autour d'elle d'où pouvait provenir un afflux de magie assez important pour lui faire mal à ce point. Le chat, et la jeune femme au grimoire. C'était certainement une invocatrice et son familier. Sa blessure avait toujours été plus sensible aux invocateurs. Pourtant cela ne suffit pas à la faire fuir, et au contraire elle s'approcha un peu plus. Et sursauta en entendant la voix de la jeune tzigane qu’elle n’avait même pas remarqué.

Si Moire avait commencé par sourire devant les réparties peu efficaces de son frère, elle fronça les sourcils en l'entendant insulter Matiana. Certes la jeune femme était une bohémienne (Moire était la première personne à mépriser ces gens là) mais Balthazard se rendait d'autant plus ridicule en se montrant agressif et indélicat. Il n'avais pas conscience du pétrin dans lequel il se mettait ! Moire jeta un œil autour d'elle : tous les badauds s'attroupaient autour d'eux, le marchand semblait totalement perdu et scandalisé - par quoi exactement, elle n'aurait su le dire -, la femme aux prospectus de tout à l'heure les regardait avec insistance - avec surprise, Moire remarqua que c'est surtout sur elle et Von Moltke que son regard se focalisait - et Matiana semblait tout bonnement sur le point d'exploser.

Du coin de l'œil, elle vit un policier qui commençait à remarquer la scène. Bien que l'idée de voir son frère emprisonné l'enchantât, elle devait avant tout faire attention : elle sortait à peine de deux mois de rétention et ne souhaitait absolument pas y retourner. Moire s'approcha de Matiana en poussant un soupir théâtral, puis se saisit du bras de la jeune femme. D'une pression imperceptible aux yeux des autres, elle lui enjoignit de se taire.

"Et en plus ce ça, tu es un rustre indélicat. Tu ferais mieux de déguerpir avant que la police ne décide d'enfermer un animal tel que toi... pour la sécurité de tous."

Maintenant, l'avenir de la situation dépendrait de Matiana. Si la jeune femme acceptait de se laisser entraîner vers d'autres stands, elles se sortiraient du pétrin. Sinon...

Oh mon dieu, oh mon dieu, oh mon dieu ! Tout ceci commença à prendre des proportions énormes depuis qu'une gueuse - qui semblait être la soeur de l'ouvrier - se mit à fustiger ce dernier pour ses manières. Elle ferait mieux de s'occuper des siennes plutôt, on ne lave pas son linge de famille en public, pas sur mon dos en tout cas !

- C-c-c'est...

Et voilà, avant que je ne puisse piper mot, l'ouvrier se mit à insulter - d'une bien médiocre façon je dois avouer - sa soeur ainsi que la Tzigane de tout à l'heure. Voleuse de poule, franchement, vu son apparence je ne pense pas qu'il ait tort, mais de là à le crier en pleine foire...

-Excusez-moi...

Et niet, tout le monde s'en foutait de ce que j'avais à dire, la soeur paniquait un peu en voyant la police rôder, mais crachait quand même son venin de serpent, tiens, elle le traitait d'animal d'ailleurs, l'ours brun et la vipère, je plaignais leurs parents. Mon regard s'arrêtait alors sur le marchand étranger, il était pâle comme un linge, pauvre gars, il ne méritait pas ça, pas avec ce matériel de pointe qu'il exhibait en tout cas. Je devais faire quelque chose, surtout que Voleuse de poule semblait sur le point d'exploser, allez Rêverie, dis ce que tu penses, n'aie pas peur, lâche-toi !

- Vos gueules bande de ploucs ! Hurlais-je à leur intention, et on me prêta enfin attention. Ce n'était qu'un accident d'accord ? Pas besoin d'en faire une telle histoire ! Battez-vous ailleurs - en pathétiques bêtes que vous êtes - si cela vous chante, mais laissez cet honnête marchand tranquille, vous ne voyez pas que vous êtes en train de saccager son commerce ?

Ils me regardaient tous avec un air stupéfait désormais, quoi bande de crasseux ? Mes mots sont trop complexes pour vos caboches de paysans ? Crotte... je n'ai fait que mettre de l'huile sur le feu au final, car voilà que la police débarque, et qui dit police dit aussi agents du Voile...

Malgré la pression de sa logeuse sur le bras, Matiana bouillait intérieurement. Elle allait répondre une phrase cinglante à l'ouvrier, lorsque l'impensable se produisit : la jeune femme bousculée se mit à hurler ! Et elle n'avait pas foncièrement tord ceci dit. Un mouvement à leur droite retint l'attention de Mattie. La police ! Oh, non ! Non, non, non... En général, ils n'avaient pas beaucoup d'estime pour les gens comme elle et ils trouveraient bien le moyen de lui faire porter le chapeau. Elle se tourna vers sa logeuse et lui chuchota :

"Moire, il faut partir de là. La police arrive..."

Elle prit à son tour la main de sa logeuse, la serra, et commença à avancer. En passant devant l'ouvrier, elle lui balança :

"La voleuse de poules vous souhaite le bonjour, sale pervers."

Et elle continua d'avancer en tirant Moire par la main, s'éloignant le plus possible de la scène.

[HRP] Désolée les 300 mots n'y sont pas, mais je passais en speed ! [ /HRP]

[------> Vers Le tramway]

Catheline se frayait tant bien que mal un passage à travers la foule. Quelle affluence ! Elle en avait presque oublié les grosses villes.
Elle tenait fermement la petite Rose par la main : Paris était une grande, cosmopolite et grouillante de monde. Il était facile d'être séparées et de perdre Rose de vue. C'était arrivé une fois lorsque sa fille était petite. Eléanor avait lâché sa main pour aller voir un jongleur ambulant et la foule s'était refermée sur elle. Elle avait été retrouvée en fin de soirée à deux rues de là, en pleurs, errant dans les rues pour chercher ses parents. Un des moments les plus angoissants de la jeunesse de Catheline - elle appelait toujours "sa jeunesse" le temps qui précédait l'accident. Hors de question que cela se reproduise.

Elle parvint à les diriger toutes deux vers un espace un peu plus large, où un marchand ambulant c'était installé. Il semblait venir d'y avoir une altercation, car deux jeunes femmes et un jeune homme se regardaient en chien de faïence et plusieurs autres faisaient cercle autour d'eux.

Dangereux pour Rose, songea Catheline.

Elle hésita à obliquer pour éviter l'attroupement quant elle remarqua, un peu à l'écart, l'allure... eh bien, remarquable d'une jeune fille. Oui parce qu'arborer une tignasse brun-roux parsemée de plumes et de perles, cela correspondait à la définition du mot. Elle avait l'air de se détacher de la foule, comme si on devait repérer immédiatement sa présence. Il y avait de la magie dans l'histoire, Cathy l'aurait juré.

Peut-être une cliente, se dit Cathy.

Elle jeta un regard en coin à sa nièce. Elle n'aimait pas l'exposer inutilement à la magie de trop près, mais les affaires sont les affaires, et elles ne roulaient pas sur l'or.
Catheline saisit le premier prétexte pour se joindre au groupe :

"Regarde les colifichets de ce marchand, Rose. Tu veux qu'on aille voir de plus près ?"

Se sentant un peu coupable de sa manoeuvre, elle commença de s'avancer prudemment vers l'étal, sans quitter du coin de l'oeil les deux femmes et l'homme au teint sombre, et entraînant la petite avec elle.